Le costume berrichon n'existe pas !

Publié le par nous-en-boischaut-sud

A l'initiative de "Châteaumeillant Nature", Amaury Babault est venu le 6 mars, nous parler du costume berrichon lors d'une conférence intitulée "En Berry, se vêtir et s'habiller beau". C'est une belle assistance qui est venue l'écouter au Pôle culturel de l'Etang Merlin.

Le costume berrichon n'existe pas !

Amaury, issoldunois d’origine, membre de La Rabouilleuse, est également membre des Thiaulins de Lignières. Professeur d’histoire et passionné de recherche c’est un spécialiste du vêtement berrichon, il a présenté de nombreuses expositions sur ce sujet.

Nous lui laissons la parole.

Le costume berrichon n'existe pas !

Le costume berrichon n’existe pas. Voilà ce qu’assène Amaury Babault dès le début de sa conférence consacrée … au costume berrichon !

D’abord, le singulier est inadapté : il n’existe pas un costume berrichon. Le costume, comme maintenant, suit les modes et change selon les différents terroirs. De plus, au même moment et au même lieu, tout le monde ne s’habille pas de la même manière, l’uniformité n’existe pas : la photo d’un groupe de jeunes filles montre bien que chacune porte une coiffe différente et chacune l’agence de façon différente.

Puis lorsque les années passent la mode évolue. Partant des classes influentes de l’aristocratie parisienne, elle diffuse peu à peu, à des vitesses variables, vers la bourgeoisie et, en une bonne dizaine d’années, vers les classes populaires. Ensuite, tous les quinze ans environ, la mode parisienne change … Alors comment parler de costume berrichon sans se référer à une période précise ?

D’autre part, l’habit porté par les berrichons ne correspond pas à l’image que nous en avons aujourd’hui : en 1842, un officier note que la coiffe de Châteaumeillant est un bonnet plat et élevé, en forme de fromage. Ce type de coiffe correspond à ce que nous imaginons aujourd’hui comme étant plutôt la coiffe bretonne ou normande, certainement pas la coiffe berrichonne. En fait, dans le Berry, comme ailleurs, la dimension de la coiffe portée par les dames n’a fait que diminuer au cours du 19ème siècle, notre image de la coiffe berrichonne correspond plutôt à la fin du 19ème.

La biaude, ou plus exactement la blouse, est l’habit incontournable dans toute image du costume berrichon. Elle est certes portée dans tout le Berry, mais elle est également portée dans les provinces voisines, dans toute la France et dans une partie de l’Europe. Les plus gros consommateurs de blouses de ce type sont les parisiens, notamment aux halles de La Villette ! La blouse, dont la forme et la longueur varient au gré des modes, n’a donc vraiment rien de typiquement berrichon.

Il en est de même de la limousine, mise à l’honneur par Jean-Louis Boncoeur dans son costume de scène. La limousine est devenue un élément typique du costume berrichon. Mais cette limousine se retrouve dans toute la France et dans une partie de l’Europe ; elle est fabriquée dans un tissu mélangeant poils de chèvre, laine et chanvre. Produite industriellement, elle est diffusée dans toute la France et comporte de nombreuses variantes de couleurs et de motifs.

Alors comment expliquer de telles distorsions entre la réalité vestimentaire de l’époque et la représentation actuelle ? Pourquoi et comment se sont-elles construites ?

Cette construction de l’idée d’un costume berrichon typique s’inscrit dans le cadre des mouvements régionalistes qui se développent à Paris vers les années 1900 dans le sillage, pour le Berry, d’Hugues Lapaire ou Jean Baffier.

Des catalogues présentant des panoramas des costumes locaux de chaque province française sont réalisés afin de recréer l’imaginaire d’un univers berrichon, normand, breton … en insistant sur des différences.

Cette image a été reprise par la publicité lorsqu’elle a voulu vanter l’origine locale de ses produits. Des images censées représenter le Berry sont alors mises en avant, le costume en est un élément emblématique, mais les approximations sont nombreuses. Malgré tout, c’est le rôle de la publicité, l’image marque l‘esprit.

Aussi, lorsque les groupes folkloriques, tels « Les Gâs du Berry », constitués de musiciens habitués à jouer seuls, ont voulu donner une unité à leur formation, ils ont recherché un « costume berrichon » pour créer un « uniforme », suggérant par là une uniformité qui n’a jamais existé.

Ainsi c’est propagé l’idée d’un costume berrichon typique ; cette image a peu à peu évoluée au gré des recherches et des redécouvertes ethnographiques. A ce propos Amaury rend hommage au groupe des Forêtins qui, à partir de 1913, les premiers, ont collecté les vêtements de leur région. C’est dans ce patrimoine qu’ont puisé les groupes folkloriques pour se constituer leur image vestimentaire.

L’image aujourd’hui du costume berrichon : chapeau mou, foulard noué en pointe, biaude pour les hommes, est une image qui a été totalement réinventée et recréée pour se différencier des autres provinces françaises.

Et Amaury Babault le répète : « Le costume berrichon n’existe pas, pas plus que le costume breton, normand ou basque ! »

A l'issue de cette conférence de nombreux auditeurs ont voulu approfondir les sujets avec l'auteur. Il faut un certain temps pour remettre en cause une idée aussi profondément ancrée dans l'esprit de tous les berrichons.

Amaury en a profité pour dédicacer son livre "L'habit ne fait pas le moine ?" aux Editions de La Rabouilleuse, une référence dans le domaine.

Le costume berrichon n'existe pas !

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