Les réfugiés républicains espagnols à Ste Sévère
La guerre d’Espagne, entre juillet 1936 et 1939, provoque une vague d’émigration sans précédent en France. En moins de deux mois (janvier à mars 1939) 500 000 réfugiés républicains passent la frontière française, la moitié de civils et la moitié de militaires. Les autorités françaises sont débordées mais également méfiantes vis-à-vis de cette population fortement politisée.
De grands camps sont installés près de la frontière (Argelès sur mer, St Cyprien puis Gurs) mais rapidement les réfugiés sont disséminés sur l’ensemble du territoire. Le département de l’Indre reçoit environ 2000 réfugiés républicains espagnols, surtout dans les villes. Là également, la population, travaillée par la presse, a une attitude méfiante vis à vis de ces « rouges ».
A Ste Sévère, le camp du Bois Rond, construit à l’origine pour le 8ème régiment du génie, accueille à partir de l’automne 1939, les réfugiés espagnols regroupés au sein du 100ème groupement de travailleurs espagnols. Parmi eux, Julio Antonio Ramirez, journaliste. Il racontera son passage à Ste Sévère (Julian Antonio Ramirez « Ici Paris Memorias de una voz de libertad » – Alianza Editorial (2005)).
A leur arrivée, en compagnie d’un lieutenant français, ces réfugiés savent que l’accueil de la population sera froid. Ils décident néanmoins de défiler dans les rues en chantant une chanson espagnole connue du public français ; comme prévu, personne dans les rues. Cette action ne sera cependant pas vaine : le lendemain, ils reçoivent par courrier, un poème de remerciement, à chanter, écrit par une jeune fille anonyme.
Un match de foot est organisé contre l’équipe de Ste Sévère (remporté par les espagnols), les réfugiés montent une troupe théâtrale et offrent une fête espagnole qui aura beaucoup de succès.
Les relations entre la population et les réfugiés se dégèlent. Le 11 novembre 1940, donc après l’armistice, ils organisent une cérémonie une dizaine de minutes avant la cérémonie officielle, elle suscite beaucoup d’émotion.
Au départ, ces groupements de travailleurs espagnols sont censés travailler pour l’armée ; après l’armistice de juin 1940, ils servent de réserve de travailleurs pour remplacer les prisonniers de guerre français et sont affectés chez les artisans et, dans notre région, beaucoup se retrouvent dans l’agriculture. Julian Antonio Ramirez rapporte également le passage d’un espagnol, très entreprenant, développant un atelier de confection à l’intérieur du camp. Il se révèlera être un agent travaillant au service des nazis. Son rôle était de recruter des travailleurs au service de l’Allemagne et accessoirement de dénoncer des activistes qui seront envoyés à Buchenwald.
Beaucoup de ces réfugiés prennent contact avec la résistance française, pour eux il s’agit de leur même lutte qui se poursuit en France. Aguerris au combat, ils apporteront un appui décisif aux maquisards.
Le camp du Bois Rond, qui avait une capacité de 250 personnes, se vide peu à peu, les réfugiés travaillant et logeant à l’extérieur, ayant pris le maquis… il est clos en aout 1941.
Parmi ces émigrés, peu ont eu la chance de retourner en Espagne après la mort de Franco (ce sera cependant le cas de Julio Antonio Ramirez). Si la plupart d’entre eux ont quitté la région, certains ont néanmoins fait souche.
Après la conférence, les témoins de cette époque, présents dans la salle, attestent de l’insertion de certains républicains espagnols en Berry (je leur téléphone encore régulièrement, mais ils ne sont plus jeunes maintenant !), de leur bravoure au combat (j’étais à Genest lors de l’accrochage avec les Allemands, je me souviens d’un espagnol, torse nu, il s’avançait au plus près des positions allemandes pour lancer les grenades !), de leur ardeur au travail et de leur générosité (ils travaillaient dur à la carrière, moi, quand j’étais facteur, je leur distribuais le courrier, il y avait souvent une pièce pour moi !).
Cette belle conférence, préparée par René Pigois a finalement été présentée par Georges Magnier dans le cadre des manifestations organisées par « Les amis de la Tour » de Ste Sévère le 11octobre.
Pour poursuivre ce thème : Jeanine Sodigné Loustau : « L’émigration politique espagnole en région Centre de 1936 à 1946 » Thèse de doctorat Paris VII (1995), consultable en ligne sur http://halshs.archives-ouvertes.fr