La Grande Guerre sous le regard de la presse
Le Centre de la Presse ne pouvait pas rater cela, avec les milliers de périodiques qu’il possède, publiés entre 1914 et 1918, le Centre de la Presse se devait de réaliser une exposition sur la façon dont la presse de l’époque a traité le conflit.
Cette exposition itinérante comprend une cinquantaine de journaux avec une présentation pour chacun d’entre eux, très documentée et bien expliquée, elle retrace, avec le recul nécessaire, la façon dont la presse a couvert le conflit ; mais elle se limite essentiellement au front français.
Comme chacun le sait, tout commence à Sarajevo avec l’assassinat de l’Archiduc Franz Ferdinand et de son épouse. Il n’existe pas de photo de l’évènement, la gravure publiée le 12 juillet 1914 dans le supplément illustré du Petit Journal devient célèbre ; en contrepoint, nous retrouvons l’ordre de mobilisation générale.
A partir de là, la presse passe sous le contrôle de l’autorité militaire. Les textes sont caviardés par la censure (Anastasie selon son surnom de l’époque) pour éviter de donner des indications à l’ennemi mais surtout éviter de démoraliser l’arrière. La désinformation bat son plein : les balles allemandes seraient totalement inefficaces, peut-on lire, elles ne font pas de déchirures et ne causent que des blessures légères !
La presse, dont les tirages sont sans commune mesure avec les tirages actuels, évolue beaucoup dans ces circonstances : alors qu’avant guerre les publications comprenaient essentiellement du texte, le recours aux photos se développe (Le Miroir, L’Illustration) de nouveaux périodiques apparaissent, axés sur l’image. Tous les périodiques se mettent à l’heure de la guerre et font place à la propagande anti germanique, même les magasines de mode !
Mais toutes les photos ne sont pas bonnes à publier : les images de morts sont rarissimes : étonnante cette photo d’un soldat français et d’un soldat allemand morts côte à côte dans une tranchée, comment la censure a-t-elle pu laisser passer une telle image qui incite plutôt à la fraternisation !
Le décalage entre la représentation de la guerre donnée par la presse et la réalité est flagrant. Face à cela deux réactions existent : essayer de lire entre les lignes ou réagir. Réagir à la censure a été à l’origine de la création du Canard Enchainé qui dénonce le « bourrage de crâne » en désignant ses confrères, mais ce journal sera très souvent censuré et comportera de grands blocs blancs dont il se glorifiera.
Lire entre les lignes demande une expérience certaine. Ainsi le titre du Radical du 23 aout 1914, au lendemain de la journée la plus sanglante de l’histoire de France (22000 morts en une journée) : « Les Barbares sèment partout la terreur ». Les Barbares, ce sont les Allemands – partout, tant en France qu’en Belgique – terreur, les Allemands avancent avec force ; traduction : la situation est catastrophique. Elle l’était réellement ce jour là !
Le plus souvent, seules les bonnes nouvelles sont publiées ; les mauvaises nouvelles, quand elles ne peuvent être omises sont mises en regard d’une bonne nouvelle d’ampleur sans doute considérablement moindre, mais sans le dire. De nos jours, la communication politique n’utilise pas d’autres méthodes !