Gaston Couté chez Jean-Louis Boncoeur
Gaston Couté chez Jean-Louis Boncoeur, cela a du sens : c’est le poète patoisant berrichon qui invite son ainé, le poète patoisant beauceron. La jolie petite salle des fêtes de Rezay était comble ce vendredi 16 janvier 2015 pour assister à cette rencontre.
Le patois beauceron ? Bah, pour un berrichon il ne faut guère plus de deux ou trois minutes pour s’y habituer ! Mais c’est le patois qui donne la vérité et la proximité au texte ; un texte poétique et très écrit, mais dans la langue de la terre, la langue des petites gens car c’est à eux que s’intéresse Gaston Couté.
Un subtil assemblage des textes de Gaston Couté mis en place par l’association « Les Petits Désordres » nous entraine de scènes cocasses mais sur fond triste (« C’est le foin qui presse », où la mariée se retrouve à ramasser le foin avec ses voiles de mariée) à des scènes de vie simple de l’enfance (« Les Brémailles »). Ici nous trouvons un Gaston Couté plein d’humour et d’empathie avec ses personnages.
Mais Gaston Couté est surtout le chantre de la réalité sociale de son temps, les pouvoirs abusifs, la misère ou la guerre ; la réalité sociale de tous les temps : les fondements de la société d’alors ne sont pas très éloignés de ceux de notre société d’aujourd’hui.
On retrouve alors le Gaston Couté libertaire, sans concession, maniant dérision et indignation mais jamais le désespoir, décrivant les « coqs de village » républicains (« Môssieur Imbut »), les propriétaires pour qui tout peut être acheté (« Les bornes »), les électeurs qui vont voter pour les bourgeois qui les exploitent (« Les électeurs » : « Pendant ce temps là, les vaches, les moutons, les oies, les dindons, s’en vont aux champs ni plus ni moins que tous les autres jours »). Tout le monde en prend pour son grade, même les instituteurs qui ont remplacé le Christ par la République mais qui apprennent tout autant l’obéissance.
La seule justice est dans la mort où gueux et bourgeois sont égaux (« Le déraillement ») qu’ils soient dans un wagon de première classe ou de troisième classe.
Une évocation de la guerre de 70 nous remplit d’émotion (« la complainte des ramasseux d’morts ») elle prend un aspect prémonitoire, écrite peu de temps avant la guerre 14-18.
Gaston Couté, lui, c’est « le gars qu’a mal tourné », il n’est pas devenu clerc de notaire, mais au moins n’a-t-il pas trempé dans les magouilles. Il a gardé son âme de paysan attaché à la terre, épris de liberté et révolté contre tous les jougs. Cela lui valut la gêne, les privations, la souffrance, jusqu’à une mort prématurée.
Ces textes s’articulent harmonieusement grâce aux chansons de Gaston Couté, toutes écrites sur des airs connus (« Le p’tit quinquin », « Le roi Dagobert » ou « Le temps des cerises »…). On y trouve « les mangeux d’terres », paysans qui rognent les chemins pour agrandir les champs, (aujourd’hui on parlerait plutôt de mangeux d’bouchures) ou des chansons plus révoltées « Puisqu’on ne veut plus être des moutons …on nous traite comme des loups » (« Les loups »)
Pour interpréter ces textes, deux acteurs tout en sobriété et complicité, Philippe Marchand avec son paletot de velours, sa voix posée est le parfait paysan révolté tandis qu’Anne Luneau l’accompagne au chant et ponctue les chansons de musiques tirées du mélodica, du bugle ou de la grosse caisse.
Plus que jamais, Gaston Couté est un auteur à redécouvrir ; depuis une dizaine d’années, de plus en plus de personnes s’en rendent compte ! A chaque spectacle sur Gaston Couté, on se retrouve toujours en communion avec le personnage et sa poésie.
A la suite du spectacle, la municipalité de Rezay nous permet de nous retrouver avec les acteurs autour d’un verre pour échanger les impressions sur un spectacle très apprécié.
Merci à elle !