Le paysan et l’animal domestique : causerie au château du Plaix
Dans la cour du château du Plaix, dans la belle soirée du 22 juillet, Daniel Bernard, entre histoire et ethnographie, nous entraîne dans les relations souvent ambigües qu’entretient le paysan avec les animaux domestiques.
Pour cela, il s’appuie sur une base iconographique importante constituée essentiellement de photos d’époque (poussières de mémoire d’un monde qui change !), mais aussi de gravures et de cartes postales, et puise dans la littérature ou les collectages antérieurs.
Pour le paysan, l’animal domestique représente la richesse, il se doit d’être protégé face à la sauvagine. Mais tous les animaux domestiques ne sont pas équivalents, une hiérarchie existe. Les animaux nobles, le cheval, l’aumaille, sont du ressort des hommes, tandis que volailles, chèvres … relève de la responsabilité des femmes.
Avec le temps, la perception de l’animal a changé, aujourd’hui l’homme à tendance à se mettre à la place de l’animal et met en avant le bien être animal. C’est une perception bourgeoise et urbaine qui s’est imposée dans les campagnes alors qu’auparavant animaux et humains avaient des places bien distinctes. Elle débute par la loi Grammont en 1850 qui interdit l’abattage des animaux en public et se poursuit en 1970 par la suppression des foires aux chevreaux : les chevreaux bêlant angoissent les citadins.
La trace des animaux se retrouve dans la toponymie avec plus de 500 toponymes s’y rapportant dans le département de l’Indre. Mais tous les animaux ne sont pas loger à la même enseigne : pratiquement pas de trace de chat ou de cochon, le chien fait plutôt référence à de mauvaises terres, tandis que bœufs et chevaux se taillent les places d’honneur.
Même remarque pour la zoonymie : on ne donne pas de nom aux cochons, animaux sales et immondes, ou alors sous une forme péjorative (le noble, le seigneur …, celui qu’on va égorger). Les noms donnés aux chats sont peu variés et ne s’écarte guère des Mimine, Minet … Le chien avec sa proximité plus importante avec l’homme bénéficie d’une gamme de noms plus étendue. Ane, bœufs et chevaux bénéficient eux d’un champ de zoonymes énorme, avec parfois des touches d’humour, tel ce batelier qui avait nommé « Clémenceau » et « Assassin » les deux mules qui tiraient sa péniche, ce qui lui permettait de revendiquer bruyamment ses opinions en appelant l’une après l’autre ses mules.
Bien sûr, le paysan parle à ses animaux à la fois par affection mais aussi pour montrer sa supériorité et leur commander. Pour parler aux petits animaux (le petit, petit, petit … pour appeler les poules, par exemple) se transmet de génération en génération mais varie avec la géographie. Mais les animaux parlent aussi au paysan avec le rythme de leurs chants, au moins aux oreilles des humains avertis, tel la caille avec son « paie tes dettes »
L’animal domestique intervient aussi dans la magie, surtout s’il est noir : le chien noir est l’instrument du sorcier, le bœuf noir qui se transforme en diable, même la poule noire est maléfique ! Et sur le carroir, tous les chats fêtent le sabbat alors il faut enfermer le sien dans la huche à pain pour le retenir !
Car à cette époque, les animaux sont responsables de leurs actes. En cas de faute, ils seront jugés et punis. Les porcs sont les plus souvent concernés, telle cette « ch’tite treue de Valençay », condamnée à mort et pendue en 1548 pour avoir mordu une petite fille.
Avec une telle proximité, on retrouve naturellement les animaux dans les expressions populaires mais aussi dans les sobriquets : « Fin comme de la laine de treue » ou « Faire du miet dans la tête de l’âne », pour « boire et manger en même temps ».
L’animal domestique est partie prenante dans les coutumes, telle la fête du bœuf gras où le bœuf gras, tout enguirlandé était promené dans les rues de la ville avant d’être sacrifié. La poule blanche, symbole de pureté intervenait dans les mariages. Dans le charivari des hommes battus, le malheureux homme battu était promené sur l’âne, tourné vers l’arrière en signe d’humiliation.
L’animal entre aussi dans la pharmacopée populaire dans laquelle les pouvoirs de l’animal sont transférés au patient.
Les relations entre les paysans et leurs animaux domestiques ouvrent vers toute une mémoire de la ruralité, trace d’un monde qui a changé.
Voilà une conférence riche, dans un cadre sympathique et toujours avec l’ambiance « Thiaulins » parce qu’à la fin de la conférence, il y avait bien un petit « mangement » propice au bavardage !