Ecoutez voir le Canal de Berry
Le 21 juillet, Pierre Lemercier était l’invité des Thiaulins de Lignières en leur château du Plaix pour nous parler du canal de Berry. Pierre Lemercier est un passionné du canal de Berry, dans la cour du château, il nous parle de sa passion, avec le plus grand respect pour ceux qui ont pensé ce canal, pour ceux qui l’on construit, pour ceux qui continuent à se battre pour le sauvegarder.
Le canal de Berry c’est une longue histoire, Sully et Colbert se sont penchés sur le projet, une dotation de 100 000 livres a même été proposée en 1786, mais la Révolution l’a annulée, Napoléon l’a relancé (mais il y eu Ste Hélène) puis il est repris par le Duc de Berry (avant qu’il ne soit assassiné). Le canal portera le nom de « Canal du Cher » puis « Canal du duc de Berry» et finalement « Canal de Berry » mais ô jamais « Canal du Berry » !
Le but était de relier Montluçon à Vierzon pour transporter vers le nord le charbon de Commentry et alimenter Montluçon en minerai de fer berrichon … Mais le conseil général du Cher demande que le canal passe par Bourges et finalement c’est un canal à trois branches qui est décidé en 1819 : une branche de Montluçon à Fontblisse (commune de Bannegon), une branche de Fontblisse au bec d’Allier se prolongeant par le canal latéral à la Loire et une branche de Fontblisse à Noyers sur Cher et se prolongeant sur le Cher navigable.
Tout au long de sa vie, le canal de Berry aura souffert de deux handicaps majeurs : le manque d’eau et le manque d’argent. Pour ces raisons d’économie il ne sera pas construit aux normes Freycinet comme les grands canaux, mais selon le système anglais des « narrow boat » ce qui lui donnera le surnom de «P’tit canal avec ses demi-péniches ».
Il a été construit entre 1808 et 1840 par des prisonniers espagnols, autrichiens, des déserteurs et des prisonniers de droit commun, main d’œuvre bien difficile à commander et soumise à des conditions de travail très dures, typhus et choléra seront aussi à l’œuvre. Les rapports avec la population sont le plus souvent conflictuels.
Les péniches sont fabriquées localement le long du canal. Mais elles ne naviguent que 8 mois par an à cause de la sécheresse, des crues, du gel … La traction est humaine jusqu’en 1914 et les péniches parcourent 13km par jour, plus tard elles sont tirées par de petits ânes (pas les Grands Noirs du Berry !). Les moteurs apparaissent vers 1950, peu de temps avant le déclassement.
Les mariniers sont la plupart du temps d’origine rurale : ouvriers agricoles en quête d’une vie meilleure, ils se retrouvent vacataires d’entreprises de transport avec des conditions de vie très médiocres. Leur habitat : 2.5x2.6m sur la péniche, pour toute la famille (parfois 6 à 7 enfants), ils se nourrissent avec quelques poules et des fûts de harengs, ils font aussi du troc avec les éclusières. Mais mariniers et paysans ne se mélangent pas, il y a les gens de la terre et les « chient dans l’eau », et chacun se marie entre soi.
Le canal de Berry a permis le transport de minerais et de houille, mais aussi chaux, pierres, combustible, engrais, grosses pièces forgées à Bourges ou Vierzon, les porcelaines appréciaient aussi ce mode de transport doux évitant la casse, on a même vu 52 000 litres de Pernod passer sur le canal, peut-être a-t-il été aussi l’objet de troc avec les éclusières ! Au retour, les péniches descendent aussi des ardoises.
Notre canal a connu son apogée vers les années 1900 et a fortement contribué au développement économique du Berry. Mais dès 1850, la construction de la voie ferrée Montluçon-Vierzon a mis en place la concurrence. Le canal a été construit un siècle trop tard ! Après la guerre de 14 le trafic décline, après la guerre de 39, il s’étiole. Face à la pénurie de travail, les conflits entre mariniers sont fréquents.
Le canal de Berry est déclassé le 3 janvier 1955 (par Chaban-Delmas et Mitterrand), il est vendu aux communes ou aux particuliers, localement, il est comblé. Les mariniers se sédentarisent, souvent en groupe, les péniches sont utilisées comme cabanes de jardin, comme habitation, ou servent à la pisciculture …
Aujourd’hui, le canal de Berry est un élément patrimonial majeur à faire revivre : par la navigation là où c‘est possible, avec des circuits « canal en vélo », par la pêche … mais une remise en eau du canal est totalement irréaliste (par exemple, le centre Athanor à Montluçon est construit sur le canal !).
Le pont-canal de Tranchasse est un joyau architectural du canal de Berry, mais en péril. Il a été construit avec des pierres gélives, le plomb qui en assurait l’étanchéité a disparu ainsi que bien d’autres éléments. Aujourd’hui il a été nettoyé et mis hors d’eau, sa sécurisation est en cours pour permettre de l’emprunter.
Pour terminer la conférence, à la demande de Pierre Lemercier, Mic nous lit « La ballade des mariniers » d’Auguste Méhaut », plainte d’une vie bien dure …
… avant l’instant de convivialité cher aux Thiaulins !
Le vendredi 28 juillet, le cycle « Ecoutez voir » se poursuit par une conférence de Mic Baudimant consacrée aux Moutons du Berry ».