Viticulture antique en Berry

Publié le par nous-en-boischaut-sud

A l’occasion des Journées du Patrimoine, le musée Emile Chénon de Châteaumeillant proposait une exposition sur la viticulture antique en Berry.

Viticulture antique en Berry

Ben oui ! Le Berry est un territoire viticole, à Châteaumeillant on en sait quelque chose. A Châteaumeillant également on a trouvé nombre d’amphores vinaires des 1er et 2ème siècles av. JC, mais le vin venait d’Italie. Alors, depuis quand produit-on du vin en Berry ? Peut-on remonter à l’antiquité pour dater l’apparition de la viticulture en Berry ?

Viticulture antique en Berry

D’abord ce que l'on sait, c'est qu’existait, au 1er siècle après JC, un cépage « Biturica », le cépage des Bituriges. Pline l’ancien et Columelle en vantent ses qualités : avec ses grains moins serrés, il résiste à la coulure, au froid et au vent, il est donc adapté aux endroits froids et humides (comparés à l’Italie) ; il est d’une bonne productivité, de bonne qualité et s’améliore en vieillissant. C’est le cépage des Bituriges, oui, mais de quels Bituriges ? Car il existe deux peuples bituriges en Gaule : les Cubes en Berry et les Vivisques en Bordelais. Nos amis bordelais, s’appuyant sur la puissance de leur vignoble actuel, se sont appropriés l’histoire, mais finalement sans aucune raison convaincante, le cépage « biturica » peut tout aussi bien venir du Berry !

D’ailleurs on a trouvé deux vignobles datant du Haut Empire près de Bourges : à St Martin des Champs et aux Pijolins (plus de 6000 pieds). Les pieds de vigne ont été plantés dans des petites fosses espacées d’environ 1m. C’est la méthode recommandée par les agronomes de l’antiquité pour les plantations en zone humide. Avec cette méthode, l’entretien de la vigne devait se faire à la bêche, il n’y avait pas de place pour l’araire. On n’observe pas de trous de poteau, la vigne devait être rampante ou le cep devait être robuste. Les vignes se trouvent près d’une voie de communication terrestre ou fluviale, elles apparaissent vers le milieu du 1er siècle après JC.

 

D’autre part, l’iconographie de l’époque montre un intérêt certain pour la vigne et le vin en Berry .

Scène de vendange sur un pilastre d'angle (Bourges)
marchand de vin avec sa pipette (St Ambroix)

 

Pratiquement, comment se déroulaient les vendanges et la transformation du raisin dans l’antiquité ? Eh bien à peu près comme quelques milliers d’années plus tard : les raisins étaient coupés à l’aide de serpes ou serpettes, déposés dans des hottes en osier acheminés dans les chaix.

La récolte était foulée au pied dans des fouloirs en béton de tuileau ou en bois, le mout recueilli dans des cuves. Après foulage la grappe est pressée. Après décantation, le jus fermente dans des tonneaux, des foudres ou de grandes jarres (dolias). Le processus est bien connu de tous nos vignerons.

Mais quelles traces en Berry ? On a trouvé, en particulier à Châteaumeillant, des serpettes qui pouvaient servir à la vendange, mais ce n’est pas spécifique. On a trouvé, à Faverdines ou  à Argentomagnus, des pépins de raisins cultivés (cultivés, les pépins sont plus gros) mais étaient-ce de l’importation ou une production locale ? Rien de bien solide, mais hottes en osier, cuves, foudres en bois, tout cela est périssable !

En conclusion, nous savons donc que la vigne était cultivée en Berry à partir du 1er siècle après JC dans la région de Bourges, mais à cette époque elle était peut-être plus répandue.  Pour Châteaumeillant, le premier écrit signalant la culture de la vigne date du 6ème siècle (Grégoire de Tours), cette culture semble alors bien implantée et est donc probablement déjà ancienne. De fait la culture de la vigne en Gaule suit l’assimilation locale de la civilisation romaine (ou grecque), depuis Marseille au 6ème siècle avant JC (influence grecque), puis la Narbonnaise à partir de 125 av JC puis progressivement toute la Gaule après la conquête romaine.

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J
Très intéressante expo, ainsi que cet excellent commentaire. D'après les historiens, l'agriculture n'avait fait aucun progrès entre l'époque "gauloise" et le début du 19 ème siècle, de plus ce serait nos ancêtres qui ont inventés les tonneaux, et l'ont appris aux romains, alors pourquoi pas de la vigne à Médiolanum avant les romains ???
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J
Merci beaucoup !!! pour votre réponse détaillée, cela permets de mieux comprendre l'état des connaissances sur l'histoire de la vigne en Berry.
M
Vaste sujet que celui du développement de la vigne en Gaule. <br /> Pour commencer, il est pour rappeler que le vin est une invention orientale puisque c'est en Anatolie et en Mésopotamie que l'on trouve les premières vignes sauvages qui vont pousser les peuples à les domestiquer. <br /> Puis cette consommation va peu à peu s'étendre jusqu'en Egypte avant que les Grecs et les Phéniciens (qui ont respectivement installé des colonies et des comptoirs en Méditerranée Occidentale) ne diffusent plants et techniques.<br /> Les Italiens, au contact de ces populations, vont à leur tour développer la viticulture et après la conquête, la déduction des colonies va pousser certains Romains à s'installer dans les nouvelles provinces (dont celles de Gaule) en amenant avec eux leurs habitudes alimentaires, dont le vin, qui sera dans un premier temps destiné à un usage privé avant qu'ils n'en fassent un usage commercial.<br /> C'est quasiment une histoire identique pour les techniques de vinification et notamment pour l'invention du pressoir à levier. Indispensable à la vinification de masse, il ne trouvera sa forme définitive qu'au début du Ier siècle après J.-C. en Italie avec l'utilisation de la vis, avant de se répandre dans toutes les provinces dont la Gaule. La forme de ce pressoir n'évoluera qu'au début du XIXe siècle avec l'utilisation du fer venu remplacer le bois.<br /> <br /> Bref, en Gaule Aquitaine (dont fait partie le Berry), les premières installations vinicoles attestées par l'archéologie ne remontent qu'au milieu du Ier siècle après J.-C. et la viticulture se développe extrêmement rapidement autour du IIe siècle après J.-C.<br /> <br /> La production de vins de Tarraconaise (nord de l'Espagne) et de Gaule va devenir quasiment industrielle, grâce aux techniques développées mais aussi aux voies commerciales sécurisées par la pax romana. La demande des métropoles et des armées n'est pas en reste. Si bien que les productions italiennes, dont le coût est supérieur, vont s'essouffler, appauvrissant ainsi le territoire. Plusieurs lois romaines vont être publiées pour éviter que les locaux ne cultivent la vigne, mais elles ne seront jamais respectées. Trajan et Marc-Aurèle vont eux mettre en place des lois afin que les propriétaires romains conservent au moins un tiers à un quart de leurs terres en Italie. Ce qui n'empêcha pas l'épanouissement des grands domaines gallo-romains, jusqu'à la crise du IIIe siècle, mais c'est une autre histoire. <br /> <br /> <br /> Pour finir, <br /> 1- Concernant le tonneau, son invention par les Gaulois est attribuée à Pline, mais en réalité les preuves sont fines. Certains chercheurs émettent l'hypothèse que son origine serait étrusque, d'autre qu'elle vient du nord des Alpes ... Quoi qu'il en soit, les Gaulois s'en servent, certes. Mais avant la conquête, c'est pour transporter des liquides en général (cervoise, eau ...). Son utilisation pour le transport du vin et l'utilisation des foudres pour la vinification n'interviennent qu'après la conquête.<br /> 2- la vigne à l'état sauvage est attestée avec certitude dans le Sud de la Gaule. En Berry, quelques pépins issus de vigne sauvage ont été identifiés sur certains sites habités, tous datés du Haut-Empire (compliqué de dire s'il y avait une vigne sauvage, d'autant que l'abandon d'une vigne cultivée ou le mode de conservation des pépins peut entraîner une modification de leur forme).<br /> 3- A Mediolanum, aucune trace de viticulture avant le VIe siècle après J.-C. (selon Grégoire de Tours)<br /> <br /> Pour aller plus loin, je conseille vivement les lectures des ouvrages de Jean-Pierre Brun et d'André Tchernia, spécialistes du domaine et notamment les trois livres de Jean-Pierre Brun "Archéologie du vin et de l'huile en Gaule Romaine", ed. Errance, Paris 2005, "Archéologie du vin et de l'huile de la préhistoire à l'époque hellénistique", ed. Errance, Paris 2004 et "Archéologie du vin et de l'huile dans l'empire romain", ed. Errance, Paris 2004