Protestants en Bas-Berry et à La Châtre
Cette conférence présentée le 14 octobre 2017 par Gérard Guillaume, à l'initiative des Amis du Vieux La Châtre, commémore le 500ème anniversaire des thèses de Luther placardées le 31 octobre 1517 et qui marquèrent le début de la Réforme.
Ô ironie, cette conférence se déroule dans l’ancienne chapelle des Capucins de La Châtre, qui furent avec la Visitation les deux ordres chargés d’éradiquer l’esprit de la réforme de l’âme des protestants de l’époque.
Le mouvement de réformes dans l’église est ancien. Il débute dès le 13ème siècle mais lorsque Luther arrive le monde est mûr pour les réformes.
De l’étude des épitres de St Paul, Luther tire la doctrine du salut par la foi : le salut est un don de Dieu qui ne nécessite pas l’intermédiation de l’Eglise. En plus, quand en 1517, les papes, voulant reconstruire St Pierre de Rome, organisent la vente d’indulgences, c’en est trop : c’est l’acte qui déclenche chez Luther l’affichage des 95 thèses qui le séparent de l’Eglise. C’est un acte de provocation. L’Eglise l’excommunie et il est mis au ban de l’Empire.
Mais Luther reçoit le soutien des princes allemands et reçoit la protection de l’Electeur de Saxe. Comme dans tous les conflits religieux, hier comme aujourd’hui, les princes ne font qu’utiliser les conflits théologiques à des fins politiques : ils voient en ces thèses un moyen d’échapper à l’emprise religieuse.
Calvin est un quasi-contemporain de Luther. Il rompt avec l’Eglise catholique en 1530 sur la question de la prédestination qui réfute également le rôle de l’Eglise dans le salut. Exilé à Genève, il en est expulsé mais revient en 1541 où est fondé, sous son inspiration, un état théocratique. Genève devient alors un anti-Rome d’où partent des prédicateurs chargés de convaincre des fidèles des thèses de la Réforme.
En France, la position de la royauté varie en fonction de la personnalité de chaque roi : François 1er est relativement ouvert aux nouvelles réformes jusqu’à l’affaire des placards. En 1534, cette propagande anti-papiste, le radicalise contre les partisans de la Réforme.
Sous Henri II, la noblesse et la haute aristocratie adhèrent largement à la réforme (prince de Condé, Coligny, d’Albret …)
François II est dominé par les Guise, chefs du clan catholique. Le complot d’Amboise (1560) fomenté par les protestants pour soustraire le roi à l’influence des Guise, échoue.
Catherine de Médicis prône la tolérance en recommandant un culte privé pour les Réformés.
En 1562, le massacre de Vassy en Champagne déclenche les guerres de religion. La St Barthélémy fera 30000 morts en France.
Henri IV promulgue l’Edit de Nantes en 1598, il sera révoqué en 1685 par Louis XIV qui utilisera les dragonnades pour obtenir les conversions.
En Berry
Chez nous, le protestantisme est un phénomène essentiellement urbain et concerne surtout l’élite tandis que les campagnes restent catholiques.
Marguerite d’Angoulême, qui devint duchesse de Berry en 1517, est pour beaucoup dans la diffusion des idées nouvelles. Des prédications luthériennes se déroulent à Bourges dès 1523-1525.
En 1529-30, Calvin étudie à Bourges.
En 1535 Jean Michel, un théologien, prêche la réforme à Bourges, Sancerre et Issoudun puis il émigre à Genève, il revient en Berry en 1539, pris il est brûlé vif. D'autres suivront ...
De 1549 à 1560, 108 personnes faisant majoritairement partie de l’élite émigrent à Genève. A cette époque, environ la moitié de la noblesse du Berry est protestante et quinze sites protestants sont implantés en Berry. Les premiers temples apparaissent à Bourges, Aubigny (1556) Sancerre, St Amand, La Châtre (1559).
Claude de La Châtre, chef des troupes catholiques, est nommé gouverneur du Berry de 1569 à 1588. Il mène de nombreuses batailles contre les protestants dans lesquelles se mêlent les aspects religieux et féodaux.
Avec l’Edit de Nantes, les protestants obtiennent les villes de Sancerre et Argenton.
Le Grand Condé, protestant, se convertit au catholicisme et devient un ultra. Il est nommé gouverneur du Berry en 1619 et luttera contre les protestants. En 1682, les protestants ne sont plus que 5000 dans tout le Berry, dont 2200 à Sancerre.
Dans le Bas-Berry
La Châtre a un temple en 1559, Ste Sévère en 1578.
Dès avant l’Edit de Nantes (1598) des persécutions sont perpétrées à l’égard des protestants à Issoudun, au Blanc, à Châteauroux à Argenton. Entre 1560 et 1565, les chefs protestants s’exilent à Genève, le culte devient clandestin.
En 1614, Condé, chef du parti catholique achète La Châtre. Les Capucins s’installent en 1617 et l’ordre de la Visitation en 1640. Celui-ci comporte un pensionnat. Le temple est supprimé, le culte protestant devient privé.
En 1673, des pressions sont exercées sur les réformés pour les marginaliser.
En 1684, Argenton compte 153 protestants. Ils appartiennent essentiellement à l’élite de la cité (avocats, procureur, médecin, perruquier …).
En 1685, les temples de Sancerre et de Lignières sont rasés, celui d’Argenton est rasé en 1686 et une croix est édifiée à la place. Après la révocation de l’Edit de Nantes, le culte se poursuit de façon clandestine.
Lors de la révocation de l’Edit de Nantes on assiste à des abjurations massives. 650 protestants abjurent leur religion. Simultanément, on mentionne la présence des Dragons dans la région.
En 1698, la religion réformée remet ses armes. Il reste à cette date 8 foyers à La Châtre mais on observe que des liens demeurent entre les familles auparavant protestantes, ce qui peut signifier que le culte se poursuit de façon clandestine.
En 1787, lors de l’édit de tolérance de Louis XVI, pour l’ensemble du Berry, on compte 1000 protestants. Un recensement sous l’Empire ne mentionne plus la présence de protestants en Berry.
A la faveur de la migration d’Alsaciens et de Lorrains après la guerre de 1870, un temple protestant est installé à Châteauroux.
Entre 1940-42, suite à l’exode de familles alsaciennes protestantes, un temple fonctionne à La Châtre.
L’ensemble de cette conférence sera reprise dans le bulletin de décembre des Amis du Vieux La Châtre.