Jacques Cœur et sa Grand’Maison, à Ste Sévère

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Le 5 mai, l’association des « Amis de la Tour de Ste Sévère » nous conviait à une conférence dédiée à Jacques Cœur et sa « Grand’Maison », une conférence à deux voix organisée par l’association « Paroles Publiques ». Georges Buisson, conservateur du Palais Jacques Cœur à Bourges racontait la partie historique tandis que Jean Pierre Galien lui répondait en lisant des extraits d’œuvres de fiction, notamment « Le Grand Cœur » de Jean Christophe Rufin et « Cœur à cuire » de Jacques Audiberti.

Jacques Cœur et sa Grand’Maison, à Ste Sévère

Jacques Cœur nait peu avant 1400, une époque très difficile pour la France. Le territoire est divisé en trois parties avec les Anglais à l’ouest et en Guyenne, les Bourguignons au nord-est et le royaume de France coincé entre les deux. Le commerce est paralysé, la misère règne.

C’est dans ce contexte terrible que le roi Charles VII tente de relever le royaume. Pour cela, il s’appuie sur le patriotisme de Jeanne d’Arc et la finance de Jacques Cœur.

Au cœur du royaume, en Berry, la situation est plus apaisée. Bourges est une ville bien défendue où la cathédrale domine : « une ville bien défendue, délectable et abondante en tout ». Sa prospérité est due à ses fameux draps de laine. La province est dirigée par le duc Jean de Berry, ami des arts et mécène, mais dont la personnalité est plus contestée : « plus soucieux de ses plaisirs que de ses devoirs », il apparait vaniteux.

Jacques Cœur et sa Grand’Maison, à Ste SévèreJacques Cœur et sa Grand’Maison, à Ste Sévère

Le père de Jacques Cœur, Pierre, venant de St Pourçain, installe son commerce de peaux à Bourges pour profiter de la proximité de la cour du Duc Jean ; c’est un roturier aisé.

 En 1418, Jacques Cœur épouse Macée de Léodepart, fille du prévôt de Bourges et dont la famille est bien introduite à la cour du duc Jean. A la suite de ce mariage, Jacques Cœur devient « marchand de cour », il peut agir en dehors des corporations et son rôle est d’approvisionner la Cour en différents produits de luxe. C’est une fonction très lucrative mais qui nécessite de disposer d’une solide assise financière car les princes paient avec beaucoup de retard en sans intérêt !

En 1427, il devient maître des monnaies de Bourges, responsable de la frappe et de la qualité des monnaies. Mais deux ans plus tard il est accusé de fraude, emprisonné, il n’écope finalement que d’une faible amende.

En 1432 il entreprend son grand voyage en Orient. Pourquoi quitter Bourges ? Ses motivations restent mystérieuses et font le bonheur des auteurs de fiction : se faire oublier ? rechercher des parfums délicats pour le Duc ?

Il part d’Aigues-Mortes pour Damas, Chypre, le voyage se passe bien mais le retour est difficile : il fait naufrage en Corse et se fait rançonné. Il rentre ruiné  : Jacques Cœur un looser ?

Apparemment on ne lui tient pas rancune de cet échec car en 1436 on le retrouve maître des monnaies de Bourges et également de Paris ! Il arme galées qui sillonnent la Méditerranée, dispose des comptoirs dans les principales villes du pourtour méditerranéen. Parallèlement il devient consul du roi. Le roi l’anoblit et le nomme son « Grand argentier » administrant les monnaies et les finances du roi.

Son action tendra à relier les trois parties du royaume pour favoriser le commerce ; l’économie se développe. A la fois capitaine d’industrie et commis de l’Etat, il profitera de ces deux fonctions pour développer ses affaires, sachant parfaitement ce qu’il faut acheter pour la cour, ayant donc un débouché assuré.

On a dit de lui qu’il était le premier capitaliste français, mais, pour ses affaires, Jacques Cœur profitait de nombreux avantages et de protections (du roi ou du pape, notamment pour commercer avec les « infidèles »), l’époque n’était pas encore capitalistique.

En 1443, au fait de sa fortune, il décide de la construction à Bourges d’un logis comme on n’en a jamais vu. La construction de ce logis durera 8 ans. Qui en a eu l’idée ? Jacques Cœur ou sa femme Macé ? Personne ne sait, les romanciers pourront donc  soutenir sans risque chacune de ces deux hypothèses !

Mais Jacques Cœur sera arrêté le 31/07/1451, il ne profitera pas vraiment de ce logis dans lequel il ne donnera qu’une seule fête : pour la nomination de son fils au titre d’archevêque.

Le début de sa chute commence avec la mort d’Agnès Sorel qui le protégeait. Il a à répondre de 15 chefs d’inculpation (dont celui d’empoisonnement d’Agnès Sorel, qui ne sera pas retenu). Son procès dure deux ans. Sous la torture, il avouera tout ce que l’on voudra. Tous ses biens seront confisqués (ce qui permettra aux historiens de disposer de la liste de ses richesses !) il doit faire amende honorable et est emprisonné à Poitiers.

Il s’évadera de prison et rejoindra Rome, avec l’appui de l’Eglise. Il meurt à Chio en 1456 lors d’une croisade contre les Ottomans.

Le logis qu’il s’est fait construire à Bourges est totalement hors norme pour l’époque. On ne sait comment le nommer, ce n’est pas un château, Jacques COEUR, lui, parlera de « Grand’maison ». Le bâtiment s’appuie sur les remparts gallo-romains de la ville qui donnent à l’arrière un aspect de forteresse austère, symbole d’un monde ancien, alors que la façade est en rupture architecturale totale avec ce qui se faisait à l’époque et intègre toutes les nouveautés que Jacques Cœur a trouvées en Italie, notamment à Florence. Les galeries ont, autrefois, été à tort interprétées comme ayant une fonction commerciale ; ce sont en fait des « invitations à paraitre », à épater la galerie !

C’est le premier hôtel de cette sorte alliant splendeur à confort bourgeois : lumière, commodités… Ce bâtiment marque  l’avènement de la bourgeoisie en France.

Pour la construction de cette « Grand’maison », Jacques Cœur n’a pas fait appel à des architectes mais à des « Maîtres Constructeurs » gardant lui-même la maîtrise de l’œuvre. Par cette demeure, il a légué à la postérité son idée de l’élégance, transition entre l’ancien monde féodal et le nouveau monde venant d’Italie.

Jacques Cœur et sa Grand’Maison, à Ste Sévère

Nous n’avons que peu de documents d’époque concernant Jacques Cœur et pas de représentation physique assurée. Tout ce flou laisse donc beaucoup de champs aux auteurs de fiction. Ils ont donc une large place pour l’imagination et exprimer leurs sentiments. Jean-Christophe Rufin et Jacques Audiberti en sont de bons exemples.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article