Angélique du Coudray ou l’art des accouchements au 18ème siècle
Angélique du Coudray est indignée par les dégâts causés lors des accouchements. Maitresse-femme, elle va réagir et être à l’origine de l’enseignement de l’art des accouchements pour les sages-femmes. C’est cette histoire que nous raconte Micheline Chabenat au château du Plaix, le 3 aout dans le cadre du cycle de conférence « Ecoutez-voir » organisée par les Thiaulins de Lignières dans la cour du château par cette agréable soirée.
Angélique Boursier du Coudray serait née à Paris en 1715, c’est ce que révèle son acte de décès le 17 avril 1794 à Bordeaux, mais elle passe son enfance à Clermont-Ferrand. Elle monte à Paris pour faire ses études de sage-femme. La profession est alors sous le contrôle de la corporation des chirurgiens. En 1740, elle devient sage-femme jurée, diplôme qu’elle doit payer 180£ (elle n’est donc pas pauvre !). Pendant ses 16 ans d’exercice à Paris, elle évolue dans la haute société de l’époque ; en particulier, elle sauve La Fayette, dont la naissance se présentait très mal.
Sa renommée atteint Mr de Thiers qui lui demande d’aider pour les accouchements des femmes de ses fermiers. Elle part donc pour Thiers en 1754. Là elle se rend compte des dégâts causés par les accouchements réalisés par des matrones sans formation : mortalité, infirmités …
Ces matrones sont de deux types : soit des personnes indépendantes, souvent pauvres, qui aidaient de leur mieux les parturientes, elles n’étaient généralement pas payées et recevaient pour leur peine un don en nature, soit des femmes désignées par le curé qui avaient le grand avantage de pouvoir ondoyer l’enfant en cas de problème et ainsi éviter que l’âme de l’enfant ne se perde dans les limbes !
Avec le soutien de Mr de Thiers, Angélique du Coudray s’attaque à la formation de ces matrones. Les premiers essais sont des échecs. Face à des femmes souvent illettrées, elle se rend compte que la formation doit s’appuyer sur du concret. Son idée de génie est de réaliser un mannequin représentant le bassin d’une parturiente, avec un grand souci du détail pour faire des démonstrations.
Elle réalise également un livre montrant les différentes positions pouvant se présenter lors de l’accouchement, avec des images en couleur. Le livre se présente sous forme de questions-réponses que les élèves doivent apprendre par cœur.
Devant le succès de sa méthode, l’intendant de la généralité de Clermont-Ferrand, Mr de Ballainvilliers, lui demande de former des chirurgiens car ce seront eux qui formeront ensuite les nouvelles matrones… ce qui ne se passera pas sans opposition de la part de la corporation !
Mais le succès de d’Angélique remonte, et en cette période de peur démographique annonçant un dépeuplement de la France, le roi Louis XV lui octroie un brevet pour former les matrones à l’échelle de la France !
Du roi aux intendants, aux sous-intendants, la lettre circulaire arrive aux curés qui doivent proposer des élèves pour les cours de Mme du Coudray. Les obstacles sont nombreux : si Mme du Coudray veut des femmes jeunes, ouvertes, l’évêque veut des matrones expérimentées, et puis il y a le refus de la nouveauté, et les problèmes de financement, car si les cours sont gratuits, les élèves doivent payer le voyage la nourriture et l’hébergement. Les cours s’étalent sur 6 à 8 semaines et sont sanctionnés par un examen difficile.
Les nouvelles sages-femmes qui ont reçu leur brevet doivent ensuite s’imposer face aux anciennes matrones et également être acceptées par les chirurgiens qui leur font passer un nouvel examen et payer redevance.
Assistée de sa fille et de son gendre, Mr de Coutanceau, Angélique du Coudray sillonne la France, à l’exception de l’Alsace (où, à cause de la proximité de l’Allemagne, les matrones sont mieux formées) et le sud de la France (où règne l’université de Montpellier).
Ainsi, Angélique du Coudray formera environ 300 sages-femmes en Berry avec des cours à Bourges (2) et à Issoudun en 1768. Elle reviendra à Bourges en 1781 avant de se retirer à Bordeaux auprès de sa fille.
La Révolution arrive, les priorités changent, les rentes ne sont plus versées. Angélique du Coudray meurt à Bordeaux en 1794 dans le dénuement.
Au cours de ses 25 ans d’activité Angélique du Coudray a formé environ 5000 sages-femmes et 300 chirurgiens formateurs en mettant au point des méthodes qui sont encore quasiment d’actualité : son mannequin (sa machine comme elle l’appelait) ressemble beaucoup à ce qui est utilisé aujourd’hui. Pas si mal 250 ans après !
Après ce bel exposé de Micheline Chabenat qui a su captiver son auditoire, nous restons dans l’ambiance du sujet avec le petit remontant que l’on donnait dans le Berry aux femmes qui venaient d’accoucher : une trempée, au lait si c’était une fille, au vin si c’était un garçon.
Et ce soir-là, il y eu plus de garçons que de filles !
Merci à Amaury et aux Thiaulins pour les photos