DUO INTEMPOREL : Catherine Basile, Cristiane Pontois, du moyen-âge au 21ème siècle
Le vendredi 14 septembre, dans le cadre des Vendredis Culturels de Chateaumeillant, Catherine BASILE, pianiste et Cristiane PONTOIS, soprano, nous ont offert un festival de musique classique dont le programme se promenait du moyen-âge au 21e siècle.
Sur scène, deux instruments : le piano et un virginal (famille du clavecin) dont on nous dit qu’il n’a pu être parfaitement accordé, ce qui n’a gêné personne sinon peut-être l’interprète elle-même.
Ce fut une soirée musicale mais aussi instructive.
Tout commence avec Mozart et l’entrée de Cherubin des Noces de Figaro.
Nous découvrirons ensuite Hildegarde VON BINGEN dans une pièce revisitée et restructurée par Catherine BASILE, en 3 parties :
- la pièce originale
- Hildegarde aujourd’hui vue par Catherine
- une recette de biscuit Hildegarde.
HILDEGARDE DE BINGEN est une moniale bénédictine, au cœur de l’Allemagne médiévale authentique maitresse en théologie, grande experte des sciences naturelles et de la musique. Elle fut la quatrième femme à recevoir le titre de « Docteur de l’Eglise » par le Pape Benoît XVI.
Naturopathe avant l’heure : « quand le corps et l’âme fonctionne en excellente harmonie, ils reçoivent la récompense suprême de la joie et de la santé. »
Musicienne et mystique : elle a composé plus de 70 chants liturgiques et un drame liturgique « le jour des vertus » qui comportait 22 mélodies.
Enfin, dès l’âge de 3 ans, elle a des visions et des prémonitions. « Dans mon enfance et jusqu’aux temps présents où je suis âgée de plus de 70 ans, je vois toujours cette lumière dans mon âme...infiniment plus éclatante que le soleil.
Et maintenant, voici la recette des biscuits d’Hildegarde !
500 g de farine d’épeautre, 4 jaunes d’œufs, 180g de beurre, 140g de sucre de canne, 70g de miel, 14g de cannelle, 14g de muscade, 3g de clous de girofle.
Mélanger sucre, épices, œufs, farine, miel et beurre – pétrir – étaler la pâte – découper les biscuits à l’emporte-pièce – cuire à four doux – 180° - 10/12 minutes – les sortir du four légèrement mous, ils durciront en refroidissant.
Aujourd’hui encore, vous trouverez sur les marchés notamment de Noël, des tisanes et produits divers issus des recommandations d’Hildegarde.
Nous découvrirons ensuite Christine de PISAN avec un poème « Je ne sais comment je dure »mis en musique par Catherine BASILE qui nous dit avoir travaillé la notion de temps « pulsation qui tient et marque le temps qui passe – thème répétitif puis brusquement un coup dur »
RONDEAU : « je ne sais comment je dure - car mon dolent cœur fond d’ire - et plaindre n’ose, ni dire – ma douloureuse aventure. »
Christine de PISAN, philosophe et poétesse, est née en Italie en 1364/1365 et morte à Poissy (région parisienne) vers 1430/1431. Son père médecin et astrologue réputé est appelé à Paris par le Roi Charles V le Sage alors qu’elle a 4/5 ans.
Elle a vécu pendant une période de l’histoire assez troublée sous le règne de 3 rois Charles V, Charles VI et Charles VII.
A 25/26 ans, son mari Etienne de CASTEL, noble de Picardie peu fortuné et inconséquent, meurt la laissant seule avec 3 enfants à charge plus quelques membres de sa famille, sans appui à la Cour.
Réduite à la pauvreté et engagée dans de nombreux procès, elle se résout à travailler et choisit le métier « d’homme de lettres » (de femelle devint masle).
Ses balades et ses poèmes pleurent son mari défunt, traitent de son isolement et de sa condition de femme.
Enfin reconnue notamment par Jean de Berry et Charles VI de Bourgogne, elle rédige des écrits érudits, philosophiques, politiques, moraux et même … militaires.
Considérée comme la première femme de lettres française ayant vécu de sa plume, elle mène un combat pour la réputation des femmes, mise à mal par les écrivains misogynes, mais ne remet pas en question la structure patriarcale et l’éthique de la société dans laquelle elle vit.
Elle sera le seul lettré contemporain qui ait salué par ses écrits l’épopée de Jeanne d’Arc qu’elle n’a pas rencontrée, car à la fin de sa vie, elle s’était retirée au couvent. Ce sera ses derniers écrits.
Les œuvres suivantes seront des œuvres de compositeurs qui nous sont plus familiers.
BERLIOZ et sa villanelle.
Tirée des « Nuits d’été » - six mélodies composées par Hector BERLIOZ sur des poèmes de Théophile GAUTIER.
- « Quand viendra la saison nouvelle – quand auront disparu les froids, tous les deux nous irons ma belle – pour cueillir le muguet aux bois. »
HAENDEL – compositeur anglais d’origine allemande du 18e siècle. Compositeur prolixe d’opéras et d’oratorios de grande spiritualité. Il inventera l’oratorio anglais.
Catherine et Cristiane nous propose « lascia ch’io pianga – laissez-moi pleurer – aria tirée de l’opéra RINALDO.
« Seigneur, par pitié, laissez-moi pleurer – emprisonné dans ces liens – mon cœur n’est pas sujet d’une amoureuse affection ».
RAVEL
Nous écouterons Catherine et Cristiane dans une œuvre poétique composée mais également écrite par RAVEL en 1915 – Trois beaux oiseaux du Paradis –
Elégie (chanson pour célébrer les morts) mais aussi chanson allégorique contre la guerre, dédiée à un de ses amis au front.
Une jeune fille dont l’ami est à la guerre rencontre trois oiseaux, un bleu, un blanc, un rouge, qui viennent du Paradis et se révèlent être chacun une partie de son amant, bleu ses yeux, blanc son front, et rouge sa blessure mortelle.
Ces trois oiseaux peuvent être aussi l’allégorie de la France en guerre (le drapeau bleu, blanc, rouge)
« - trois beaux oiseaux de paradis – ont passé par ici – le premier était plus bleu que le ciel, le second était couleur de neige – le troisième rouge vermeil ».
DEBUSSY
Composé à 18 ans en 1880, Nuit d’Etoiles est une mélodie sur un poème de Théodore de BANVILLE
Debussy fait ressortir par sa musique l’univers nocturne du poème. Ce poème exprime la nostalgie des amours défunts.
« Nuit d’étoiles, sous tes voiles – sous ta brise et tes parfums, triste lyre qui soupire – je rêve aux amours défunts. »
DOWLAND
Compositeur anglais, luthiste et chanteur -16/17e siècle. Compositeur oublié puis redécouvert au 20e siècle.
Son poème « Can she excuse my wrong » - « peut-elle excuser mes erreurs en se drapant dans sa vertu ». Le monsieur semble demander à son épouse de lui pardonner ses fredaines.
GERSWIN
Compositeur classique américain – très jeune déjà attiré par le jazz, il notait les rythmiques et les harmoniques de la musique qu’il entendait.
Sa musique est un pont entre la culture blanche et noire – ses chansons sont devenues des standards du jazz. Il occupe un place à part dans l’histoire de la musique, une combinaison de classique, jazz, ragtime, comédie musicale et musique latino.
Nous écouterons « Summertime » – morceau très connu et reconnu -berceuse dans le style blues et gospel - tirée de l’opéra PORGY and BESS (texte de De Bosc Heyward).
Le 21e siècle sera représenté par Catherine elle-même (pianiste et compositrice professionnelle) qui nous offrira entre chaque œuvre, ses propres improvisations de tendance Jazz et une interprétation jazz des œuvres de Dowland, sans compter les créations déjà citées. Le jeu simultané des deux instruments (piano /clavecin) fut une jolie surprise.
Le soprano de Cristiane (spécialiste en musique ancienne) s’adaptait avec bonheur à toutes les œuvres présentées, quelque soit leur époque.
La soirée se terminera après les rappels par une chanson joyeuse, une invitation à boire et à chanter.
Ce fut une soirée musicale de qualité, joyeuse, amicale, intimiste et complice pour tous.