Les Gâs du Berry revisitent la Guerre de 14 à Châteaumeillant
Novembre 18, c’est juste le moment de se souvenir de la fin de la guerre de 14 ; le 9 novembre à Châteaumeillant, les Gâs du Berry l’ont fait à leur manière et comme ils savent si bien le faire : par la musique, en s’intéressant à la culture populaire de l’époque.
Les Gâs du Berry nous accueillent en musique au Pôle de l’Etang Merlin tandis que le public s’installe pendant tout le quart d’heure berrichon. Ils nous présenteront une évocation de la guerre de 14 dans un florilège de chansons, de musique et de textes, accompagnant un diaporama très construit.
Avant cette évocation, en préambule un peu d’histoire pour rappeler le contexte. La guerre de 14 est la suite d’une longue histoire qui commence avec la volonté d’unification de l’Allemagne par la Prusse. Après la victoire de la Prusse face à l'Autriche à Sadowa, l’Allemagne du Nord se rassemble sous la houlette de la Prusse et en 1871, après la défaite de la France à Sedan, l’unification allemande est proclamée à Versailles. Mais le traité prévoit également l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine à cette nouvelle Allemagne. La reconquête des « provinces perdues » d’Alsace-Lorraine devient alors une obsession en France.
Tandis que l’Allemagne s’arme pour une probable guerre à venir, la France prépare psychologiquement sa population à la revanche. Et cela commence à l’école où les « hussards noirs de la République » exaltent le patriotisme par tous les moyens : livres, instruction civique et religieuse, chant…
A titre d’exemple, les Gâs du Berry nous interprètent De « l’entrée en classe » ou le « Jour du prix ».
L’église aussi a ses chants patriotiques (Reine de France), tandis que les chansonniers reprennent la chanson traditionnelle « En passant par la Lorraine » avec des paroles bien revanchardes et bien à eux !
Et en aout 14, c’est la guerre.
En Berry, la majorité des appelés sont affectés aux 90ème ou au 95ème régiment d’infanterie. De nombreux musiciens des Gâs du Berry sont enrôlés. Sortant de leur Berry d’origine, ils sont confrontés à de nouveaux instruments de musique, à d’autres musiques. Ainsi le répertoire des Gâs du Berry s’enrichit : « La Belle », « Virginie », que nous interprètent les Gâs du Berry d’aujourd’hui.
Après l’euphorie d’aout 14 l’ambiance change bien vite après un mois de septembre particulièrement meurtrier, le ton change : « Ainsi si nous partons – C’est la loi qui l’ordonne » (La Belle), « A la première décharge – Le clairon sonnant la charge – Tombe, frappé sans recours » (Le clairon – Paul Déroulède, Emile André).
Les poètes et musiciens berrichons participent à cette histoire : l’humoriste Jacques Martel, le poète Jules de Vorys, les musiciens Emile Barbillat et Louis Touraine, l’explorateur Adolphe Combanaire qui dénonce l’impréparation matérielle de l’armée français et un commandement retardataire.
Pendant ce temps « Sambre et Meuse », « La marche Lorraine » ou « Le rêve passe » sont les tubes de l’époque et, à l’initiative de Gâs du Berry, la salle reprend en chœur.
Localement les entreprises Balsan et Boussac profitent à plein des commandes de vêtements militaires.
Pendant ce temps là, le 90ème est sur l’Yser. Les décorations pleuvent … mais souvent posthumes.
L’attitude grave et pensive du « Poilu de Levroux » d’Ernest Nivet montre bien l’évolution des sentiments vis-à-vis de la guerre. Il inspirera les poètes Georges Lubin et Marie Jeanne Vernaire : « Il pense à tous ces morts, là-bas, à ces Poilus … »
La guerre s’industrialise (tanks, avions …). Les alliés sont de plus en plus présents ; la conséquence musicale est que l’on connait mieux leurs hymnes.
Dans les cantonnements, en dehors des tranchées, c’est le règne de La Madelon, au Pôle de l’Etang Merlin, le public reprend en chœur !
Les caricaturistes berrichons Bernard Naudin et Benjamin Rabier mettent en exergue le décalage entre le front et l’arrière où les bourgeois ont repris leurs petites habitudes et chantent gaiement, par exemple « En revenant de la revue ».
La presse livre une vision idyllique de la vie des poilus. Théodore Botrel chante « Ma P’tite Mimi » : ma mimi, ma mitrailleuse !
Cependant, au front comme à l’arrière la grogne monte. Mutineries et automutilations se développent, c’est le temps de la chanson de Craonne, antimilitariste et subversive. Louis Moreau, graveur et pacifiste berrichon publie dans « Le semeur » journal anarchiste, imprimé clandestinement.
Pendant ce temps là, le 90ème RI est en Artois, au chemin de Dames.
Jean Rameau, le poète et chansonnier berrichon, chante « Nos vaillants artilleurs » en l’honneur des artilleurs de Bourges.
1917, les Américains arrivent en France et pour nos musiciens c’est le choc avec des musiques et des rythmes totalement nouveaux.
En janvier 18, le 90ème est sur la Somme, il y perdra 27 officiers et 500 hommes.
Enfin c’est la victoire. Gustave Goublier met en musique un poème de Musset écrit en 1841 et opportunément retrouvé « Nous l’avons eu votre Rhin allemand », Adolphe Bérard honore les poilus dans « Qui a gagné la guerre ? » : C’est le Poilu, soldat de France !
Mais avec la fin de la guerre c’est le retour des mutilés et des « gueules cassées » et Brin d’Ajonc chante amer « Le Barger Victorieux » : « Ma Bargèr’ point de colère,-j’suis bancal, c’est bon, mais j’suis pas mauvais garçon. » tandis que Raoul Coutant reprend « Mes vingt ans » « obnubilé par la fumée âcre des poudres … ».
Le 25 aout 1919, le 90ème, ce qui en reste, défile à Châteauroux, au retour d’Allemagne. Puis vint le temps des monuments aux morts dans toutes les communes, avec le discours d’inauguration de Gabriel Nigond à La Châtre scandé par des « Merci soldats ».
Cette guerre permet aux Gâs du Berry d’engranger encore quelques autres chansons à leur répertoire : « Adieu du soldat à sa mie ».
Bon, mais parler de la guerre pendant une heure et demie, cela a un peu tendance à plomber l’atmosphère. On ne va pas rester comme cela, allez, place à la danse.