Sorcières à Noirlac en matinale

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Salle comble pour cette première matinale de Noirlac consacrée à « La fabrique des sorcières et des sorciers » ; parce que nous sommes dans le Berry ? Maxime Gelly Perbellini nous détrompera : il y eu beaucoup moins de procès en sorcellerie dans le Berry que dans le Bourbonnais ou l’Anjou par exemple !

Mais cette matinale va être longue, alors commençons par un petit café avec viennoiserie !

Sorcières  à Noirlac en matinale

Pour cette conférence sur la sorcellerie, mettons les choses au point avec Maxime Gelly Perbellini, historien, doctorant à l’EHESS.

Sorcières  à Noirlac en matinale

Les pratiques magiques ont existé de tout temps et elles sont particulièrement bien documentées à l’époque antique[1]. Au 7ème siècle, Isidore de Séville distingue maléfices et sortilèges mais attribue les deux au diable. C’est donc une affaire religieuse. L’Eglise s’en empare et aux 10ème – 11ème siècles, entre dans le droit canon que la sorcellerie doit être éradiquée, mais ce n’est pas pour cela qu’elle prône la condamnation à mort des sorciers, il s’agit plutôt de les remettre dans le droit chemin. Au milieu du 13ème siècle, l’Eglise se dote d’un arsenal juridique répressif mais l’usage en restera limité pendant tout le 14ème siècle.

 

[1] le musée de Châteaumeillant en possède quelques preuves 

Puis apparait dans l’imaginaire collectif que la sorcellerie peut nuire réellement à autrui. Elle devient donc, en tant que telle, un crime et relève de la justice laïque. Le sorcier peut être puni de mort.

Les procès en sorcellerie commencent en Suisse puis se répandent dans toute l’Europe avec un pic au 16ème siècle, jusqu’en 1682 où un arrêté de Louis XIV décriminalise la sorcellerie. On estime à 75000 le nombre de procès en sorcellerie, ils feront entre 30000 et 50000 victimes.

La chasse aux sorciers et sorcières ne concerne pas uniquement les tribunaux ecclésiastiques mais également les tribunaux civils. Souvent l’Inquisition instruit les procès mais donne le pouvoir aux laïcs pour la mise à mort.

A partir de 1420, l’accusation de sorcellerie repose sur des caractères stéréotypés autour de quatre fondamentaux : vol nocturne, pacte avec le diable, sabbat, maléfices.

Avant le 16ème siècle il se trouve globalement autant d’hommes que de femmes accusés de sorcellerie, avec des différences selon les lieux et les époques, mais après le 16ème siècle les personnes accusées de sorcellerie sont essentiellement des femmes. A cette époque, il devient évident dans l’imaginaire collectif, que les femmes sont crédules et des proies faciles pour le démon, elles sont impressionnables et excessives elles sont bavardes et leur foi est plus faible, l’étymologie de « femme » ne serait-elle pas « foi, mineure » ? !

Les crimes qui leur sont reprochés sont également stéréotypés : envoutement, empoisonnement, contrôle de l’amour de l’affection, de la volonté…  Elles utilisent des outils de la sphère domestique (herbes, œufs, pièces de vêtement).

Par contre, contrairement à une idée répandue, les femmes accusées de sorcellerie dans les procès du 16ème siècle ne sont pas des personnes isolées ou marginales, elles sont généralement bien insérées dans la société de l’époque (femmes d’artisans …).

La criminalisation de la sorcellerie résulte d’un engrenage : on commence par se méfier de pratiques suspectes, puis elles sont diabolisées par l’Eglise (mais jusque là nous sommes dans le domaine des croyances), ensuite dans l’imaginaire collectif, ces pratiques sont reconnues comme causant des méfaits dans le monde réel, elles sont alors judiciarisées et font l’objet de condamnations.

Après l’arrêt de 1682, l’engrenage fonctionne dans le sens inverse : la sorcellerie n’est pas reconnue comme ayant des effets réels, elle n’est plus judiciarisée, elle redevient inoffensive.

Cette passionnante conférence permet de déconstruire quelques mythes sur la sorcellerie :

- Non, la chasse aux sorcières n’est pas un phénomène du Moyen-âge mais de l’époque moderne et de la Renaissance.

- Non, les condamnations ne provenaient pas uniquement de tribunaux ecclésiastiques, mais aussi de tribunaux laïcs,

- Non, les femmes accusées de sorcellerie n’étaient pas des femmes marginales mais étaient des personnes bien insérées dans la société.

Merci Maxime Gelly Perbellini !

Ensuite nous prenons la direction du réfectoire des moines pour un spectacle autour du magique, hommage aux femmes, celles accusées de sorcellerie, femmes rejetées, femmes se battant pour la liberté et leur émancipation.

A partir de la voix lyrique avec la mezzo soprano Agathe de Courcy accompagnée du piano de Guillaume de Chassy et du « pianographe » de Romain Bodart combinant son et projections d’images et de vidéo, c’est la restitution d’une résidence d’artistes qui nous est proposé.

Sorcières  à Noirlac en matinaleSorcières  à Noirlac en matinale
Sorcières  à Noirlac en matinale

 Le spectacle« Which is », en cours de mise au point, intègre un assemblage de musiques originales, d’extraits d’opéra incluant des sorcières, de textes en voix off et de textes dits par Agathe et Guillaume. Le rendu est impressionnant, notamment avec la voix de la soprano qui sonne dans l’acoustique de ce réfectoire cistercien.

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