Ecoutez voir : le parler berrichon
Ce 5 juillet, pour le lancement du cycle de conférences 2019 « Ecoutez voir », les Thiaulins de Lignières avaient invité Michel Pinglaut, l’auteur du dictionnaire français-berrichon.
Le premier plaisir de ces conférences est de se retrouver dans cette cour du château du Plaix par une belle soirée d’été.
Dans la cour du château donc : quelques berrichons patoisants, des berrichons non patoisants et des non-berrichons, tout type de public en somme ! Alors, comment aborder le sujet du parler berrichon avec cet auditoire ? Michel Pinglaut propose une solution : par le jeu, voilà une méthode participative !
Dans son chapeau, des phrases en berrichon sur des papiers verts, les phrases correspondantes en français écrites sur des papiers blancs : les bouts de papier, blancs et verts, sont distribués dans l’assistance. L’un énonce sa phrase (en berrichon ou en français), celui qui a la traduction doit répondre. Et cela fonctionne très bien :
J’me seus bordi dans l’peliau Agidez moué La Marie elle a fait Pâques avant les Rameaux Va farmer le berrieu |
Je me suis embourbé dans la pelouse Aidez moi Marie s’est mariée enceinte Va fermer la porte à deux battants |
Mais le parler berrichon, comme tous les parlers locaux est différent d’un endroit à l’autre, les exemples ci-dessus sont assez généraux dans le Berry. Une caractéristique de ce langage est d’être souvent imagé : (Je m’empourcine : Je grossis – Toine mettu son col à engouler la tarte : Antoine s’est endimanché)
E t Michel Pinglaut de citer Littré : « On tient généralement les patois pour du français qui s’est altéré dans la bouche du peuple des provinces. C’est une erreur. Les patois sont les héritiers des dialectes qui ont occupé l’ancienne France … et dès lors le français qu’ils nous conserve est aussi authentique que celui qui nous est conservé par la langue littéraire. »
Parmi les précurseurs à s’être intéressé au parler berrichon, le comte Jaubert (1798-1874), dans son « Vocabulaire du Berry », mentionne que la plupart des grands auteurs jusqu’au 19ème siècle, ont utilisé des mots ou expressions qui ont disparu de la langue française officielle mais qui sont conservés dans notre parler berrichon ; cela va de Molière à Balzac, de La Fontaine à George Sand, de Rabelais à Bossuet … Le titre « La Rabouilleuse » de Balzac vient d’un mot berrichon : rabouiller = troubler l’eau pour attirer les poissons. Environ un tiers des mots utilisés par Rabelais figure dans le parler berrichon mais ont disparu de la langue officielle.
Au-delà des mots particuliers, le berrichon a ses spécificités grammaticales et surtout son accent bien particulier qu’il est difficile de rendre à l’écrit et donc d’analyser ; mais on sait que, encore au 19ème siècle, Louis XVIII parlait avec notre accent : Le roué s’est moué !
Repassant en mode « jeu participatif », Michel Pinglaut sort sa boite en bois avec ses tiroirs remplis de trésors étiquetés en berrichon. A vous de deviner ce qu’est le bonjour (la visière de la casquette), une airée (un pot-pourri musical : des airs de musique), une anche (le robinet du tonneau), une broche (une aiguille à tricoter), une bande de culotte (une ceinture) …
En intermède, Mic Baudimant nous présente les portraits de quelques personnes qui, au cours de l’histoire, ont participé à la connaissance et à la conservation du parler berrichon, du comte Jaubert à George Sand, Jean Baffier, Jean Rameau, Ferdinant Bruneau, Pierrette Dubuisson, Jean-Louis Boncoeur, Roger Pierron … et nous ajouterons Mic Baudimant et Michel Pinglaut !
Ces deux derniers ont participé à l’atlas sonore des langues régionales en France lancé dans le cadre du CNRS. Différents locuteurs régionaux ont raconté, à leur façon, la fable « La bise et le soleil » dans leur parler régional, Michel Pinglaut l’a raconté dans le parler sancerrois et Mic Baudimant dans le parler du Bas-Berry. Vous pouvez les retrouver sur https://atlas.limsi.fr/
Mais il reste que le parler berrichon ne compte que très peu de locuteurs et que le problème de la transmission reste entier. Alors développez vos connaissances et précipitez-vous sur les deux premiers tomes du dictionnaire Français-Berrichon de Michel Pinglaut « J’causons coume Molière » aux éditions de La Bouchure. Le premier tome de ce glossaire est axé sur la météo, le tome 2 plutôt sur la famille. Pour plus de facilité, le glossaire est inversé et part du français vers le berrichon.
Prochaine conférence du cycle « Ecoutez-voir » le 26 juillet, Nicole Ovaere nous parlera des manufactures de dentelle de Colbert en Berry.
Merci à Romain pour la vue "aérienne" de cette conférence
C'était une sortie proposée dans : notre agenda