Charlotte d’Albret à La Motte Feuilly - Jean Lauron : la Renaissance en Boischaut Sud

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Cette année, le festival des Miliaires proposait un circuit « Renaissance en Boischaut-Sud ». Les traces de la Renaissance en Boischaut-sud sont assez rares, mais à La Motte Feuilly nous avons le gisant de Charlotte d’Albret !

Francesca Lacour, qui nous avait récemment parlé de son grand-père le sculpteur Ernest Nivet (Ernest Nivet - sculpteur et berrichon) nous présente ce témoin de l’art de la sculpture de la période de la Renaissance.

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Charlotte d’Albret meurt en 1514 (à 34 ans). Son histoire est tout un roman, nous la raconterons en annexe. Charlotte a demandé par testament que son corps repose auprès de celui de Jeanne de Valois à l’Annonciade de Bourges et son cœur dans l’église de la Motte Feuilly.

Sa fille Louise, épouse Louis de la Trémoille (elle a 17 ans, lui 55, cela fera scandale !). Louise fera élever en 1521 deux mausolées pour sa mère par Martin Cloistre, imagier du roi, qui a beaucoup travaillé pour les Trémoille. L’un des mausolées sera à Bourges, l’autre à La Motte Feuilly.

Nous avons une description détaillée du mausolée d’origine : il est haut de 3 pieds et repose sur un soubassement et des piliers en marbre noir. Les sept vertus (foi, prudence, force, charité, tempérance, espérance, justice) sont sculptées dans des niches sur un décor en coquille.

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Le gisant est en albâtre, un chien est à ses pieds. Le gisant semble regarder vers une image de Notre Dame de Lorette à laquelle Charlotte d’Albret portait une grande vénération.

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A la Révolution, trois enragés se sont acharnés sur ce tombeau. Il a été cassé en plus de 60 morceaux, le gisant a été cassé en 3 morceaux, les visages et armoiries martelés…

Le tombeau a été classé « monument historique » en 1892 et relevé. La tombe en marbre a été remplacée par un simple plateau de stuc, les morceaux de la statue ont été rapprochés et cimentés… Le tombeau a été restauré en 2000 et mériterait une nouvelle restauration, d’autant que c’est la seule œuvre qui reste de Martin Cloistre. Mais pour une commune de 60 habitants, même après toutes les subventions possibles, le reste à payer est exorbitant.

Ce tombeau est néanmoins un des rares témoins de la sculpture de la première Renaissance en Boischaut Sud , on y retrouve les sculptures en niches avec décor de coquilles caractéristiques.

A côté de cette œuvre sculptée de la Renaissance, Lucien Lacour nous présente une autre forme d’art de la Renaissance : la poésie, avec un auteur berrichon totalement méconnu : Jean Lauron.

Charlotte d’Albret à La Motte Feuilly - Jean Lauron : la Renaissance en Boischaut Sud

Jean Lauron, magistrat et poète n’eut qu’une notoriété locale, autour de Châteauroux. Il publie entre 1586 et 1613 et représente la dernière époque de la Renaissance (caractérisé par le maniérisme). Oublié par l’histoire, il est redécouvert en 1928 grâce à une conférence de Jean et Albert Hubert. Cela lui vaudra d’avoir sa rue à Châteauroux.

Il n’existe pas de portrait de lui. Il serait né vers 1555-60 et aurait habité la maison au cadran dans l’actuelle rue Jean Lauron. Issu d’une famille bourgeoise de négociants, il fait des études de droit et en 1577 il est clerc de notaire. Il évolue dans le contexte des guerres de religion puis des guerres de la Ligue. Mais cette époque connait aussi le développement de l’imprimerie qui suscite le développement de vocations d’auteurs. Il fait donc  partie de « la grande flotte de poètes produit par la période ».

Héritier de Du Bellay et des poètes de la Pléiade, il a beaucoup lu et cite tous les poètes antiques : Homère, Platon, Virgile, Ovide … En cela, c’est bien un poète de la Renaissance.

En 1586, il publie à Paris « Anémographie »qui est une description des vents. C’est un poème météorologique en 472 alexandrins. Il s’inspire d’un tremblement de terre suivi d’un ouragan qui a ravagé la région le 5 décembre 1584. Pour cette première publication, qui est probablement une œuvre de jeunesse, il se situe dans la poésie scientifique qui se place à l’époque, très haut dans la hiérarchie de la littérature, juste après l’épopée.

Nous savons qu’il se marie et a trois filles, et devient procureur. En 1596 pour la publication de son 2ème ouvrage, il est bailli de l’abbaye de St Gildas à Châteauroux.

En 1596, il publie « Les soupirs », un recueil de 43 sonnets. Jean Lauron soupire sur le triste état de Châteauroux dans ces années troublées. Il décrit les ruines après le passage des soldats, bandes gasconnes, soldats du roi ou de la Ligue qui s’emparent tour à tour de Châteauroux et de Déols. Jean Lauron a personnellement été emprisonné 3 semaines après la prise de Déols par les ligueurs. Il évoque ses souvenirs amers, son désir de paix et son amour pour Châteauroux.

Chaque sonnet est dédié à une personne particulière ce qui laisse entrevoir l’existence d’un cercle de lecteurs cultivés à Châteauroux !

En 1613, la paix revenue, il publie un poème épique « Châteauroux » qu’il dédie à Henri II de Bourbon, prince de Condé. Ce poème restera inachevé, des cinq chants, seuls les deux premiers seront publiés ; ils comportent 1120 vers. Ce poème, écrit dans un style maniériste, avec de longues digressions, fourni une documentation d’époque sur l’abbaye de Déols et son décor peint ainsi que de nombreux renseignements en matière de toponymie.

On ne connait pas la date de décès de Jean Lauron, mais elle est antérieure à 1623.

Grand lecteur et fou de poésie, Jean Lauron s’il ne fut pas lui-même un poète majeur de l’époque, nous rend le vécu des habitants de Châteauroux dans les guerres. Il nous interroge sur l’existence d’une élite cultivée à Châteauroux, même si Châteauroux ne fut pas une « petite capitale culturelle ».

Dans cette Renaissance traversée par de nombreux courants, Jean Lauron, proche des poètes de la Pléiade tend vers le mouvement maniériste par ses thèmes et sa méthode de narration, il annonce le pré-baroque.

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L’histoire de Charlotte d’Albret met en scène un pan de l’histoire de France.

 Louis XI avait pourtant tout bien arrangé : son fils Charles, le prince héritier épousait Anne de Bretagne et le duché de Bretagne allait à la couronne de France. Il était même prévu que si Anne de Bretagne n’avait pas d’héritier avec Charles, elle devait épouser son successeur sur le trône de France. D’autre part, sa fille Jeanne, difforme et probablement stérile, épousait Louis d’Orléans, héritier de la branche rivale des Valois. Ainsi la branche cadette des Orléans s’éteindrait et ne lui ferait plus de concurrence !

Mais les choses ne se sont pas passées comme cela : en 1498, le roi Charles VIII époux d’Anne de Bretagne, meurt sans héritier et c’est Louis d’Orléans, époux de Jeanne de Valois, qui monte sur le trône de France sous le nom de Louis XII. Il veut répudier Jeanne pour épouser Anne de Bretagne, mais pour cela il faut l’accord du pape.

Le pape Alexandre VI (un Borgia) a six enfants, l’aîné Jean est destiné aux armes, César, lui, est destiné à lui succéder comme pape, il est déjà cardinal. Jean meurt (on dit que César l’a assassiné), la place de chef de guerre est libre, César la convoite, cela correspond plus à son caractère, Alexandre acquiesce.

Alors Louis XII et Alexandre VI négocient : le mariage de Louis XII est rompu, il pourra épouser Anne de Bretagne, César obtiendra le duché de Valentinois (entre autre) et une épouse française de noble naissance : Charlotte d’Albret, elle a 17 ans.

César Borgia arrive en grand faste et s’installe à Issoudun avec son épouse. Mais il y reste très peu de temps et repart avec Louis XII pour les guerres d’Italie, il ne reviendra pas et meurt en 1507 en faisant la guerre en Espagne.

César Borgia laisse à Charlotte une fille, Louise, et toute sa fortune. Charlotte séjourne à Issoudun et à Bourges auprès de Jeanne de Valois à laquelle elle est très attachée. A Bourges, Jeanne de Valois fonde l’ordre de l’Annonciade. A la mort de Jeanne, en 1505, Charlotte achète les terres de La Motte Feuilly. Elle fait rénover le château (il conserverait aujourd’hui encore une galerie renaissance).

Charlotte d’Albret ainsi que sa fille Louise mènent une vie retirée à La Motte Feuilly mais néanmoins tiennent leur rang et ont un train de vie de princesse. L’inventaire des biens est impressionnant.

Charlotte d’Albret meurt en 1514 (à 34 ans). Elle reposera auprès de Jeanne à Bourges.

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