Autour de La Châtre à l'époque gallo-romaine
Le 6 octobre, les "Amis du vieux La Châtre" avaient invité Gérard Coulon pour nous parler de La Châtre et de ses environs à l'époque gallo-romaine. On ne sait si c'est à cause du sujet ou de la qualité du conférencier, mais il n'y eu pas suffisamment de chaises dans la chapelle des Capucins pour recevoir tout le public !
Tout d'abord, Gérard Coulon évacue les légendes : non Jules César n'est pas passé à La Châtre, venant de Clermont-Ferrand pour faire le siège d'Avaricum (il venait d'Orléans), non les trois tentes du blason de La Châtre ne représentent pas le camp de César, ni celui de Vercingétorix. Pour obtenir des renseignements solides, il vaut mieux s'appuyer sur des références sérieuses : Emile Chénon, polytechnicien et juriste de grand renom a fait un travail d'archéologue remarquable de précision et, plus près de nous, Jean Gaultier a étudié avec passion l'histoire locale.
La voie romaine d'Argentomagnus à Châteaumeillant
La voie romaine d'Argentomagnus à Châteaumeillant est une voie majeure qui relie deux capitales : Poitiers et Clermont-Ferrand. Elle est signalée sur la table de Peutinger et, sur certaines sections, sa trace est bien visible sur les photographies aériennes. Elle est constituée d'une chaussée pour les charrois, non pavée mais recouverte de mâchefer (résidu de forges) qui lui donne sa couleur rouille, de deux bas-côtés herbeux pour les piétons et les chevaux et bordée de deux fossés. L'emprise au sol est de 26m de large.
Après Argentomagnus, on la suit vers Bouesse, La Chaume. Elle passe à La Châtre ou à proximité immédiate mais on n'a pas retrouvé le lieu de traversée de l'Indre (pont aux laies, pont du lion d'argent ?).
Vers Châteaumeillant, elle est parallèle à la RD943. Elle a été étudié au niveau de l'abattoir du Boischaut lors de sa construction (de l'abattoir, pas de la voie romaine !). A ce niveau, la chaussée avait été fortement dégradée et une chaussée secondaire mise en place. Elle passe à proximité de l'aire de repos de Champillet et on la retrouve à Châteaumeillant ... rue de la voie romaine.
L'occupation du sol - les fermes
Une villa gallo-romaine a été fouillée en 1828 par le comte d'Orsanne et en 1922 par Albert Mayeux. Elle est située à environ 3km de la voie romaine, ce qui est une sage précaution à l'époque où les abords des grandes voies sont considérés comme peu sûrs. Elle semble suivre le plan classique des grandes villas méridionales, indiquant la propriété soit d'un colon romain soit, plus vraisemblablement, d'un riche gaulois fortement romanisé. La partie d'habitation est séparée de la partie agricole, elle comporte des thermes privés. Les traces de murs ont été repérées, des débits de colonnes, des vases ... ont été retrouvés. Mais actuellement le site est très dégradé.
De nombreuses villas parsemaient notre territoire, elles sont repérables par photos aériennes (dans un champ de céréales un soir d'été sec, la végétation à l'emplacement des murs est plus chétive et a tendance à verser). A l'époque, notre région était peut-être aussi peuplée qu'aujourd'hui.
Divinités et sanctuaires : le monde du sacré
A Montlevicq, au niveau de la villa gallo-romaine, ont également été retrouvés des éléments sculptés provenant sans doute d'un laraire : petit autel domestique pour rendre hommage aux divinités de la maison.
A Lacs, l'église comporte 3 pierres qui ne sont pas très catholiques ! Elles représentent Apollon (avec sa lyre, Mercure et Vénus (avec son miroir). Elles devaient faire partie d'un même ensemble monumental. Les angles des pierres sont obtus ce qui suggère un monument octogonal, il pourrait s'agir d'une colonne romaine telle la colonne de Jupiter cavalier à l'anguipède.
A Champillet, près de Galbois, à proximité de la voie romaine, des fouilles effectuées en 1876 ont révélé un sanctuaire avec une cella octogonale.
77 sanctuaires gallo-romains ont été recensés en Berry mais la majorité d'entre eux se situent plutôt dans le centre de la province.
Sépultures et monuments funéraires
A l'époque gallo-romaine le rites funéraires reposent sur l'incinération. Le cortège funéraire est précédé de pleureuses qui portent le chagrin des proches de façon exubérante. Après la crémation, les ossements sont lavés, une partie est placée dans une urne en verre ou en poterie, cette urne étant elle-même enfermée dans un coffre en pierre qui est enterré. Des offrandes peuvent être jetées sur le bûcher, ainsi on a retrouvé des os de perdrix mélangés aux ossements du défunt.
Les nécropoles sont placées près des voies de communication, vivants et morts se côtoient et le mort n'est pas tout à fait mort tant que quelqu'un pense à lui ou prononce son nom ("Passant, prononce mon nom et tu me fera revivre").
Emile Chénon a fouillé une nécropole au Gessé (Néret), près de la voie Argentomagnus-Châteaumeillant. Il a trouvé un enclos funéraire à côté de la nécropole avec un magnifique sphinx (ou sphinge), non pas le sphinx égyptien, mais le sphinx grec, celui d'Oedipe : tête de femme, ailes d'oiseau et corps d'animal. Son rôle symbolique a évolué comme gardien des tombeaux, elle est donc à sa place près de la nécropole. Emile Chénon la transporta chez lui et elle est actuellement visible au centre du parc de sa demeure.
L'église de Feusines présente une pierre curieuse à la base du pilier sud du fronton. Elle représente, au milieu d'un décor végétal, un casque et un bouclier romain ! Elle provient très probablement du mausolée d'un soldat romain.
A Nohant, à l'arrière de la maison de George Sand, se trouvent deux coffres funéraires, George Sand prétendait qu'il s'agissait de mortiers pour la fromentée, mais il n'en est rien !
Gérard Coulon nous a bien montré que si La Châtre n'existait pas à l'époque gallo-romaine( elle date du 11ème siècle), la région recèle des vestiges archéologiques très intéressants entre les deux pôles qu'étaient à l'époque Argentomagnus et Châteaumeillant.
Quant aux "Amis du Vieux La Châtre", ils nous ont une fois de plus démontré la qualité des conférences qu'ils organisent dans cette belle chapelle des Capucins.
C'était une sortie proposée dans : notre agenda