Au moyen-âge, la mort était au coeur de la vie

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Pour la dernière des "Matinales" à Noirlac consacrées, en 2019 au Moyen-âge, Danièle Alexandre Bidon était venue nous parler des pratiques sociales et économiques du décès. Pour ses études, elle s'est appuyée à la fois sur les textes historiques, sur l'iconographie et sur l'archéologie.

Au moyen-âge, la mort était au coeur de la vie

Au moyen- âge vivants et morts cohabitent au sein de la ville, tous font partie de la communauté des chrétiens. Le passage du monde des vivants à celui des morts est un spectacle et on regarde passer le cortège funéraire ; pour l'enterrement d'une personnalité importante, les boutiques ferment.

Au moyen-âge, la mort était au coeur de la vie
Au moyen-âge, la mort était au coeur de la vie

 Depuis au moins la période carolingienne, les cimetières sont intégrés au coeur des villes, le plus souvent autour des églises paroissiales. Le cimetière est un espace ouvert, placé au milieu de la ville, dans un espace urbain densément construit, il fait office de place publique où on se promène, on se rencontre, on fait des affaires. Les animaux vaquent à leurs occupations : chiens, chats, poules ont droit de cité dans le cimetière, seuls les porcs, risquant de déterrer les cadavres, sont strictement interdits !

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Mais le cimetière au milieu des villes ne va pas sans poser de problèmes il est la cause de nombreuses plaintes, notamment à cause des odeurs dégagées. Certaines églises sont pestilentielles  et les ossuaires sont particulièrement visés. Les odeurs s'échappent d'entre les pierres des caveaux régulièrement ouverts pour les recharger.

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A Paris le cimetière des Innocents  est le plus grand, il a fonction religieuse mais aussi profane.

Lorsqu'on passe dans cette place publique qu'est le cimetière on se doit faire une prière pour les morts. Si on marche sur une tombe la prière doit être faite spécifiquement pour le défunt. Comme chaque prière réduit le temps de passage au purgatoire, il est donc recommandé de marcher sur les tombes ! Dans le même esprit il est également très recherché de se faire enterrer devant la porte de l'église.

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Au cimetière, on s'y assoit pour lire ou méditer. C'est aussi un lieu d'enseignement sur la vie et la mort. Pour le curé c'est l'occasion de parler de la mort à ses jeunes ouailles, car les enfants sont très tôt confrontés à la mort : celle des parents ou d'une partie de la fratrie.

Les prédicateurs sont très nombreux et s'installent soit aux carrefours,  soit dans les cimetières. Les prêches contiennent souvent des digressions amusantes sur des sujets divers : hygiène, questions pratiques ... C'est également un lieu où se placent des mendiants.

Le cimetière est aussi un lieu d'activités économiques. Des artisans y implantent leurs ateliers, notamment les potiers avec leurs fours, réduisant les risques d'incendie dans la ville. Bouchers et tanneurs installent aussi dans le cimetière leurs industries nauséabondes.

Les marchés s'installent dans le cimetière, c'est notamment le cas à Paris au cimetière des Innocents. Les tombes à élévation font de parfaits étals pour exposer les vêtements !  Les foires s'installent contre le mur.

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Mais la danse, activité diabolique, y est strictement interdite

C'est aussi un lieu de justice ; l'arbre de justice se dresse à l'entrée du cimetière

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Le cimetière est un lieu d'asile. La zone protégée, de 30 pieds autour de l'église est matérialisée soit par une clôture ajourée, par une rangée d'arbres, un muret ou de simples croix. Nul ne peut  se battre à l'intérieur. Même les criminels en fuite peuvent s'y réfugier en toute impunité, mais s'ils tentent d'en sortir, des gardes veillent pour le cueillir!

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A cette protection physique s'ajoute la protection divine due à la proximité de l'église ; on implante à proximité du cimetière les trésors du village, silo à grains, four à pain...

 Parfois, en période de crise, la protection symbolique ne suffit plus et le cimetière a été fortifié.

Le cimetière est le lieu idéal pour implanter un verger et on y trouve tout type d'arbres fruitiers, souvent au profit de la fabrique. On y herborise et cueille la mandragore, d'autres récoltent de la poudre de momie (qui n'est autre que des raclures de chair humaine desséchée).

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La mort génère une activité économique importante, de nombreux métiers vivent de la mort : funéraire, menuisiers, potiers, sculpteur, crieur des morts, ensevelisseuses, (linceul cousu sur le mort), sonneur de cloches, fossoyeur, personnel juridique (testament) artistes (danses macabres).

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La mort est également le moment de régler ses dettes , de faire l'aumône, puis de ripailles, ainsi la moitié de l'héritage peut être dépensée à cette occasion.

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A la suite de cette excellente conférence de Danièle Alexandre Bidon, nous restons dans l'ambiance du moyen-âge et des cérémonies funèbres avec le requiem  de Pierre de La Rue (-1518).

Pierre de La Rue est l'un des premiers compositeurs ayant écrit un requiem en polyphonie;  jusqu'au 14ème siècle seul le plein chant (grégorien) est utilisé. La polyphonie apparait d'abord dans les oeuvres profanes, puis dans les chants religieux en dehors des messes, puis dans les messes et finalement, même pour le requiem.

Le premier requiem polyphonique serait dû à Dufaÿ, mais l'oeuvre est perdue. Le premier requiem polyphonique connu est celui de Ockeghem dans la deuxième partie du 15ème siècle, celui de Pierre de La Rue, lui serait un peu postérieur. Toutes ces oeuves sont interprétées a cappella.

Pour nous, le requiem de Pierre de La Rue est interprété dans le réfectoire des moines de Noirlac par l'ensemble Diabolus in Musica. Un ensemble de voix magnifiques.

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