Les églises de la Vallée Noire et leurs sculptures : La Berthenoux – Thevet St Julien

Pour nous parler des sculptures dans les églises de la Vallée Noire, Gérard Guillaume nous a donné rendez-vous tout d’abord à La Berthenoux en ce 2 aout.

Ce nom de La Berthenoux viendrait des Bretons : avec l’inversion des voyelles traditionnelle en berrichon : La Berthenoux = La Bretonnoux = le pays des Bretons. L’origine remonterait au 5^ème siècle où les Bituriges gallo-romains auraient concédé des colonies aux Bretons venus les aider dans leurs luttes liées aux Grandes Migrations.

L’église de La Berthenoux est un monument imposant.  C’était un prieuré dépendant de l’abbaye de Massay, celle-ci est une sœur de Déols et toutes deux sont des filles de Cluny ; cependant Déols et Massay se sont affranchies très tôt de la maison-mère. Comme la plupart des églises romanes berrichonnes, celle de La Berthenoux est sobre à l’extérieur ; à l’origine, l’intérieur était très décoré (sculptures, peintures).

Le prieuré a été fortifié pendant la guerre de 100 ans (il en reste une tour), il a été vendu comme bien national à la Révolution et le porche de l’église a été muré. Ce n’est que récemment que l’accès ouest a été dégagé.

Ce prieuré comportait probablement un cloitre, la façade sud porte la trace de la porte pouvant servir d’accès direct au chœur pour les moines.

La nef comporte une voute en bois tandis que la voute du chœur est en pierre (le chœur était à la charge des moines, la nef à la charge des laboureurs, les moyens n’étaient pas les mêmes !). Au 19^ème siècle, des croisées d’ogives en plâtre ont été rajoutées dans la nef, elles ont été retirées par l’abbé Debourges, la trace demeure. Le décor des murs, en faux appareil, est inspiré du moyen-âge mais il date du 19^ème. Les fenêtres sont situées en hauteur, au midi ; par cette orientation, elles concentrent la lumière sur l’allée centrale.

La nef plus large que le chœur laisse la place à des passages berrichons derrière les piliers de la croisée du transept. Ces passages se prolongent jusqu’au chœur. Dans le chœur, des colonnes aveugles simulent un déambulatoire.

Dans la croisée du transept étaient installées les stalles des moines. Le symbolisme y est important : au sol la croisée forme un carré (forme impure : terre) elle est surmontée d’une coupole (cercle, forme pure : ciel). La coupole repose sur un octogone avec encorbellement, le chiffre 8 est symbolique (6 jours de création +1 jour de repos, le 8^ème jour est celui de la résurrection).

Les chapiteaux ont des motifs similaires à ceux de Neuvy St Sépulchre. Les tailleurs de pierres qui ont œuvré dans les deux endroits sont probablement les mêmes. On y retrouve atlantes, monstres, montreurs d’animaux.

La base des chapiteaux comporte des collerettes berrichonnes : une baguette enserre la corbeille du chapiteau, des feuilles stylisées tournées vers le bas se succèdent tout autour, passant alternativement devant et derrière la collerette.

Les peintures du chœur datent du 19^ème, cependant au moyen-âge, tout était peint. Les statues des colonnes du chœur présentent une grande finesse d’exécution. Les statues de St Jean-Baptiste et St Pierre sont du 16^ème siècle.

Du 16^ème siècle également la statue de la Vierge allaitante présente dans le transept sud. Ce thème est assez rarement utilisé, bien qu’il ait été promu par St Bernard pour montrer l’humanité du Christ. L’église possède également une piéta du 16^ème siècle.

Cette église garde le souvenir de l’abbé Debourges, prêtre à La Berthenoux de 1952 à 1996 dont un grand portrait orne le transept sud. Réputé pour ses exorcismes, il a beaucoup œuvré pour la restauration de l’église. Il organisait une messe des bergers le 24 décembre avec vielles et cornemuses. Une forte personnalité !

Nous continuons notre visite à Thevet St Julien. Là aussi, nous nous trouvons devant une église romane berrichonne, mais plus modeste que celle de La Berthenoux. La façade est peu décorée avec un arc simple en plein cintre. Une crucifixion, primitive, située en haut de la façade est probablement un réemploi.

Par contre le portail en bois est magnifiquement sculpté. Il est dû à l’abbé Aymon qui officia dans cette paroisse de 1941 à 1987.  Voici une autre personnalité marquante ! Professeur au Séminaire de Bourges après son ordination, pendant la dernière guerre il est mobilisé et fait prisonnier. Il s’évade le jour de la St Adolphe déguisé en peintre en bâtiment ! Il rejoint l’évêché de Bourges qui le nomme à Thevet, à titre temporaire, il y restera jusqu’à son décès 46 ans plus tard. Issu d’une famille de menuisier et très bricoleur, il a grandement restauré les églises de Thevet St Julien et Vicq-Exemplet dont il avait la charge.

Le portail de l’église de Thevet représente les quatre évangélistes avec leur symbole dans un médaillon ; l’inspiration est très médiévale. La représentation de Dieu le Père n’est pas d’inspiration moyen-âge : à l’époque personne n’aurait osé représenter Dieu le Père car personne ne l’avait jamais vu ! L’inspiration est ici plutôt de la Renaissance avec des réminiscences de Zeus ou Apollon.

A l’intérieur tout le mobilier est l’œuvre de l’abbé Aymon : bancs, confessionnal … à noter en particulier la suspension avec les oiseaux tenant le lustre. Il a également rénové toute la statuaire en bois.

Mais l’œuvre majeure est la balustrade située à l’entrée de l’église représentant l’opposition terre-ciel avec côté ouest d’un côté Adam, de l’autre Jésus. Le côté est reprend cette opposition avec Eve et Marie (AVE).

Le panneau représente à gauche Eve chassée du paradis puis une évocation du jugement dernier et de l’enfer avec un Léviathan avalant les âmes, tandis qu’à droite Marie est représentée avec la nativité et la crucifixion. L’iconographie est la même qu’aux 12^ème-13^ème siècles.

Dans le même esprit, il a également réalisé les portes de l’église de Vicq-Exemplet (église de Vicq-Exemplet).

En sortant de l’église il faut visiter le musée des racines qui présente une autre facette de l’activité de l’abbé Aymon : il arrangeait et assemblait des bois repérés dans la nature pour en faire des animaux ou des personnages étranges ; à découvrir !

A noter que Thevet possède une autre église : St Julien, qui recèle d’intéressantes fresques. Pour l’instant cet édifice n’est pas accessible pour des raisons de sécurité (St Martin de Thevet).

Un grand merci à Gérard Guillaume qui avec toute sa grande érudition nous a apporté un regard nouveau sur nos églises berrichonnes.