Verneuil : une mémoire de potiers
Potiers et tuiliers ont fait la renommée de Verneuil. Alors que les derniers acteurs de cette épopée nous quittent, une petite équipe, autour d’Edith Jouhanneau, se met en œuvre pour préserver les traces de ce passé.
Ce 19 août, ils nous ont donné rendez-vous à l’église de Verneuil où nous sommes accueillis en musique avec la vielle de Jules Michaud et les cornemuses d’André Aubard et Philippe Jacquenot.
L’église de Verneuil rassemble déjà la trace d’autres célébrités locales : un buste de l’abbé Debourges, qui fut curé de cette paroisse en plus de celle de La Berthenoux, et le « groupe des Epingués » avec Gabriel Nigon, Fernand Maillaud et l’abbé Jacob qui animèrent la vie intellectuelle d’ici voici un siècle.
Mais revenons aux potiers de Verneuil avec Edith Jouhanneau.
L’activité potière est très ancienne à Verneuil puisqu’on y a trouvé une voûte de four de l’époque gallo-romaine. Les saints patrons des potiers (St Hilaire) et des tuiliers (St André) étaient fêtés chaque année les 14 janvier et 30 novembre respectivement. A l’occasion de la St Hilaire, la statue du saint était sortie et une procession organisée. Cette statue faillit être détruite à la Révolution, le potier Silvain Alaphilippe l’a sauvée en disant que son four était allumé et qu’il allait la bruler. Ce qu’évidemment il ne fit pas !
L’activité potière et tuilière a facilité le développement d’activités annexes autour du travail du bois et de la maréchalerie et a permis l’implantation de services publics (école, poste). En 1900, le village comptait 600 habitants.
Au grand regret des potiers, il n’y eut pas de gare pour expédier leur production (la gare plus proche était à La Beauce). Un jour de foire annuel fut accordé en 1875, le dernier dimanche d’août : la « Sans Besoin ». A cette occasion, un bâtonnier était élu et une « jugerie des maistres » était organisée pour décider, pour les postulants, du passage de compagnon à patron.
Aujourd’hui, Benoit Maillet développe un projet de création d’un sentier d’interprétation permanent en collaboration avec la communauté de communes. Il permettrait de faire une visite sans guide, à tout instant, pour retrouver le passé de Verneuil.
Et puisque l’on parle de visite, allons-y, musique en tête ! La première halte est devant la fontaine de St Généfort.
Cette fontaine miraculeuse drainait des foules importantes lors de la procession du 25 février. Elle s’adressait aux enfants souffreteux ; l’eau de la fontaine, accompagnée des rites adéquats, les rendait « forts et beaux ». Gabriel Nigond raconte que ceux qui n’avaient pas la possibilité de faire le pèlerinage pouvaient faire appel à « la Médite » : cette dame faisait le voyage à leur place et connaissait les rites à accomplir.
Il parait que le pèlerinage pouvait également fonctionner pour raviver l’ardeur de maris défaillants !
Ce saint Généfort n’était peut être pas très catholique et, au 18ème siècle, le cardinal de La Rochefoucault interdit le pèlerinage.
La promenade nous emmène près de la forêt de St Chartier. Le bois est un élément important pour l’implantation d’un centre potier : un four consomme entre 6 et 12 stères de bois. Les potiers de Verneuil utilisaient le bois de la forêt de St Chartier toute proche, mais également celles de Bommier et d’Ambrault.
Retournant vers le village, nous passons devant la maison de Claire Alaphilippe qui fut gouvernante du danseur Noureev !
La rue du vieux bourg concentrait 5 potiers, parmi eux Denis Moreau qui, lors de la Révolution, prêta sa grange à l’abbé Bichat, curé de Prunier, pour que le culte puisse continuer à être célébré.
Par la suite les potiers se sont plutôt installés dans le haut du bourg. Des reproductions de cartes postales d’époque indiquent leur emplacement.
Au 19ème siècle, Verneuil comptait 19 fours de potiers, 12 ont fermés entre 1825 et 1895 En 1905, il en restait 6 en activité et 3 en 1940 (Eugène Alaphilippe, Demeure et Mijoin). Le dernier four (la poterie de la vallée noire, successeur de Mijoin) a fermé voilà 2 ans.
Tous les potiers travaillaient en bonne entente, il n’y avait pas de concurrence féroce. Si les potiers importants avaient l’essentiel de leur clientèle sur place, les plus petits devaient se déplacer pour vendre leur production, parfois jusque dans le Massif Central.
Ainsi que nous l’indique Benoit Maillet, c’est bien sûr la géologie qui est à l’origine de l’activité potière à Verneuil: une veine d’argile de 8 à 10 km de largeur s’étend de la Guerche jusqu’à Argenton. La qualité des dépôts géologiques autour de Verneuil sont de bonne qualité pour la céramique.
Nous aurions encore beaucoup de choses à voir mais l’heure tourne, il faut se rendre au clou de l’après-midi : la visite de l’atelier de Paul Demeure et de son four. L’installation a été récemment remise en état par ses petits-enfants qui ont à cœur d’honorer la mémoire de tous ces potiers qui sont nés sur cette terre, l’ont pétrie et l’ont façonnée.
Nous sommes accueillis par Mr Maurice Alaphilippe dans son habit traditionnel de potier de l’époque. L’atelier comporte deux tours à bâton, le reste de l’atelier étant occupé par des rayonnages où le potier faisait sécher sa production avant cuisson.
C’est un moment d’émotion de voir la chambre des pots reprendre vie grâce à Maurice Alaphilippe, descendant de la longue lignée des Alaphilippe potiers en Bas-Berry.
Pour notre plaisir, aujourd’hui notre potier est aujourd’hui accompagné de deux cornemuseux !
Le four est spectaculaire. Il s’agit d’un four couché, légèrement en pente et orienté de façon à bénéficier des vents pour activer la combustion. Le potier entre par le haut du four pour le chargement des pièces à cuire. On commence l’enfournement à l’avant de la grille pare-flamme. On fait des piles de pots jusqu’au plafond, on met les pots gueule à gueule, les plus gros en bas, les plus petites pièces sont disposée vers la porte. En une fournée, le potier pouvait cuire sa production de six mois !
Ce four date du 19ème siècle, les cuissons successives et l’émail qui s’est volatilisé ont vernissé la voûte du four.
A côté du four est posée la statue en terre cuite de St Hilaire, chaque potier avait la sienne. Paul Demeure était un potier reconnu : il avait obtenu la médaille d’argent à l’exposition universelle de Paris en 1937. Il était célèbre pour ses céramiques bleues : vases, pichets …
Nous retournons dans l’atelier où Jules Michaud déclame un texte de l’abbé Jacob admirant le geste noble et intemporel du potier qui transforme une masse informe en un objet élégant. Pas mal vu, et quand Jules déclame …
La municipalité de Verneuil nous attend pour un très sympathique pot de l’amitié.
Un grand merci à Edith Jouhanneau de faire revivre cette grande page de l’histoire de Verneuil sur Igneraie