Récital Péguy par JP Zennacker à Châteaumeillant
Une conférence sur Péguy : ce n’est pas très vendeur ! Malgré tout nous étions quand même une cinquantaine d’auditeurs dans l’église de Châteaumeillant pour le récital donné par Jean-Paul Zennacker en ce 11 novembre (elle est toujours aussi belle cette église dans sa fausse sobriété romane) ; la date est bien choisie car on se souvient que Charles Péguy est mort pour la France en septembre 14.
Charles Péguy a subit une longue traversée du désert à la suite de sa récupération par l’extrême droite aux heures sombres de la République mais c’est l’intellectuel engagé qui s’est confronté aux problèmes de son temps, que veut nous faire redécouvrir Jean Paul Zennacker.
Cependant, puisque nous sommes dans une église, c’est par un texte de nature théologique que s’ouvre le récital (il y aurait beaucoup à dire sur Péguy et la religion : lui, profondément croyant et anticlérical forcené !) : Dieu omnipotent laisse à l’homme sa liberté de décision tout en le guidant tout comme le père de famille guide ses enfants en les laissant libres (A quoi bon être aimé par des esclaves !).
Mais c’est l’intellectuel engagé dans son siècle qui nous intéresse, celui qui pose la question de la désobéissance civique « Je suis réserviste mais si on me demande d’aller en Chine (guerre des Boxers) je n’irais pas. ». La raison de cette guerre est à rechercher du côté des missionnaires et des spéculateurs qui ont bafoué la culture chinoise. La raison doit prendre le pas sur l’obéissance.
C’est l’intellectuel qui s’interroge sur la crise de l’enseignement (déjà) : c’est une crise de la vie sociale, une société qui ne s’enseigne pas ne sait pas enseigner, une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas. Mais il fait un éloge appuyé des instituteurs, ces « hussards noirs de la république » (l’image serait-elle de lui ?) qui ont la vocation d’instruire le peuple… tout comme les curés !
Un intellectuel qui scrute l’évolution de la société et qui déplore la séparation du travail manuel et du travail intellectuel mais il déplore surtout la mainmise de l’argent sur l’ensemble de la société, seul maître face à l’esprit ; un intellectuel profondément socialiste qui chérit la liberté individuelle avant toute chose.
Péguy constate que le monde a plus changé en 30 ans que pendant des millénaires, mais chaque époque fait cette constatation ! Vous vous souvenez, avant l’informatique, avant la guerre, avant la guerre de 14, avant la Révolution, il parait même qu’un lettré chinois trouvait que le monde de ses parents avait complètement disparu, c’était au 5è siècle avant JC !
Et Péguy meurt au front en septembre 1914, mais qu’est-ce que la mort pour Péguy ? « Heureux ceux qui sont morts pourvu que ce fut pour une juste guerre. » et « Je ne suis pas mort, je suis passé dans la pièce d’à côté. »
Toute cette causerie, dont le thème est plutôt austère, est scandée d’une part par la belle voix de JP Zennacker et d’autre part, par une chanson décalée: la chanson du roi Dagobert dans laquelle Charles Péguy a incorporé ses propres couplets !
Pour beaucoup des auditeurs, c’est à une redécouverte de Charles Péguy à laquelle nous avons assisté lors de ce récital donné par JP Zennacker. Une redécouverte qui donne une image plus fidèle de la complexité de cet auteur attachant.