Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Pour sa traditionnelle conférence du mois de mars, Châteaumeillant Nature recevait, ce 13 mars, Michel Pinglaut pour une conférence sur « le parler berrichon ». Michel Pinglaut, auteur de 4 dictionnaires français-berrichon[1] (et bientôt d’un 5ème) était tout désigné pour nous parler de ce sujet.

Nous étions tout de même 70 à être venu l’écouter au Pôle culturel de l’étang Merlin.

 

[1]Michel Pinglaut - Dictionnaire Français-Berrichon vol.1 J’causons coume Molière – La Bouchure ed. (2018), vol.2 J’causons coume grand mée – La Bouchure ed. (2019), vol.3 J’causons coume cheux nous – La Bouchure Ed. (2020), vol.4 J’causons coume le r’bouteux – La Bouchure Ed.(2021)

Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature

Dès le départ, vêtu de sa biaude, Mr Pinglaut, nous le dit : il n’existe pas un parler berrichon, il en existe autant que de régions, par exemple une fourmi se dit « un fromion » dans le nord du Berry et « un mazet » ou « une maze » dans le sud. Si le Berry se compose de bien des régions, la principale séparation, entre le haut Berry et le bas Berry, est délimitée par l’Arnon. Ainsi, Châteaumeillant, bien que faisant partie du département du Cher, appartient au bas-Berry, comme l’ensemble du département de l’Indre.

Ces patois très locaux sont partout la règle. Une étude très sérieuse, pilotée par le CNRS, a étudié les différents patois de France. Pour cela il a demandé à différents locuteurs de dire une fable d’Esope : « la bise et le soleil » dans leur patois. Michel Pinglaut s’y est mis pour le patois de Sancerre tandis que Mic Baudimant l’a raconté dans le patois de Lignières. Cet atlas sonore est disponible sur internet : https://atlas.limsi.fr/ Allez donc écouter !

Globalement, notre patois appartient à la langue d’oïl mais il se situe à la limite de la langue d’oc. Malheureusement c’est une langue qui va disparaitre très rapidement faute de locuteurs. Pourtant c’est une langue riche et si la grammaire est parfois un peu approximative, on y emploie couramment le passé simple et l’imparfait du subjonctif, des temps qui ont quasiment disparu de l’usage du français parlé. Nos grands-mères employaient trois fois plus de mots que les présentateurs télé actuels. Par exemple,  elles faisaient bien la différence entre « quérir (kri  en berrichon) » lorsqu’on va chercher quelque chose dont on sait où il se trouve et « chercher » si on ne sait pas où il est (kri le siau, chercher l’œuf que la poule vient de pondre). Certaines tournures existent toujours au Québec qui pourrait être considéré comme un conservatoire de notre langue.

Au niveau de la langue parlée, le berrichon se parle avec un accent grave et il pratique généreusement les élisions par contre les liaisons sont généralement absentes. Tout cela est bien difficile à rendre à l’écrit : « Mès poûr’ fill’ dé pas êt’ maryées, moué j’en arai toujou’ chagrin. » (Mes pauvres filles, de ne pas être mariées, moi  j’en aurai toujours du chagrin).

Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature

A propos de langue parlée, savez-vous comment est né le premier berrichon ? C’était il y a bien longtemps, et il est né sur un lit de paille comme il se doit. A sa naissance, trois fées se sont penchées sur sa couche, lui apportant chacune un don, qui se transmettra à toute sa descendance. Avec la fée Maline, le bébé sera déberdiné, il sera intelligent. La fée Mercuriale, lui apportera de gros sous, il sera riche, la fée Valentine, lui donnera un grand cœur et il sera honnête.

Mais la fée Bardala n’avait pas été invitée, elle se vengea en détruisant le don apporté par une des autres fées. Le berrichon n’aura donc que deux de ces dons : il sera intelligent et riche mais ne sera pas très honnête, ou il sera intelligent et honnête mais il ne sera pas riche ou il sera riche et honnête mais pas très intelligent !

Les patois, tel le berrichon, sont, pour Littré, tout aussi authentiques que le français littéraire, ils ont des origines dans le latin populaire. Des mots très anciens sont d’origine berrichonne : la souche et le verbe rabouiller (remuer l’eau de la rivière pour la rendre trouble et attirer les poissons : d’où la Rabouilleuse de Balzac). Un tiers des mots utilisés par Rabelais existent en berrichon alors qu’ils ont disparu du français, Molière fait parler le patois à ses paysans. Parmi les grands auteurs qui ont écrit en berrichon citons Hugues Lapaire mais aussi Hubert Gouvernel, auquel Roger Martin du Gard a rendu un vibrant hommage. La référence concernant le patois berrichon reste le glossaire du comte Jaubert (1855) mais il faut également mentionner les passionnants travaux, plus récents, de Pierrette Dubuisson.

Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature

Bien qu’érudit,  Michel Pinglaut ne connait pas tout sur le berrichon ! Nous lui avons appris comment on nomme ici le sexe féminin : c’est la beruette ou la canette, alors que pour lui c’était plutôt le divertissoire !

On termine par quelques distractions, d’abord le jeu de cartes car chaque carte a sa signification pour le berrichon, nous n’allons pas toutes les énumérer, citons le 2 qui est le nombre comb’ (pair), ce qui est beaucoup mieux que le caf’ (nombre impair) qui ne porte pas chance. Lors de la communion si l’un des enfants se retrouvait tout seul, les parents pouvaient décider de reporter sa communion à l’année suivante.

Le 9 qui évoque les doigts de Berlot. Le 17 juillet 1878, à Tendu,  un loup enragé s’attaque à Henri Berlot et lui avale le pouce. Le loup est abattu et on récupère le pouce dans son estomac. On ne peut pas le recoudre, le pouce est conservé au muséum de Bourges, mais Berlot meurt de la rage, avec neuf doigts !

Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature Le parler berrichon : Michel Pinglaut avec Châteaumeillant Nature

Pour finir, Michel Pinglaut sort sa boite en bois avec les tiroirs remplis de trésors étiquetés en berrichon. A vous de deviner ce qu’est le bonjour (la visière de la casquette), une airée (un pot-pourri musical : des airs de musique), une affiche (une épingle), une purge (l’amour en cage : l’effet est efficace !), une anche (le robinet du tonneau), une broche (une aiguille à tricoter), une bande de culotte (une ceinture), un marbre (une bille d’agate), une alune (une abeille)  …

Cette passionnante conférence nous a replongés dans nos souvenirs d’enfance avec nos grands-mères, les dernières à avoir pratiquées cette langue ; un brin de douce nostalgie fait du bien !

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A
Formidable d'atlas sonore ! Merci pour cet article !<br /> <br /> Alain.
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N
Merci pour ton commentaire Alain. Effectivement cet atlas sonore des langues régionales est à découvrir !