Jeanne d’Arc au cinéma à Noirlac

En 2019, deux « Matinales » de Noirlac avaient été consacrées aux « Moyen Age dans le cinéma », mais Jeanne d’Arc à elle seule méritait bien une séance entière, ce sera : « Jeanne d’Arc superstar de Méliès à Dumont » pour ce 8 mai !

Le principe des « Matinales » est toujours le même : une conférence suivie d’un concert dans le réfectoire de l’abbaye, mais toujours, on commence par un café et une petite viennoiserie ; le temps s’y prêtant c’est à l’extérieur, sous un beau soleil à côté des beaux jardins renouvelés par Gilles Clément que se fait l’accueil.

Nous commençons donc par la conférence présentée par Brigitte Rollet.

Jeanne d’Arc est une aubaine pour le cinéma :

- on ne connait à peu près rien d’elle, on n’a pas de portrait, les seuls documents que l’on ait sont les minutes de son procès. Ce nom n’apparait qu’en 1527 soit près d’un siècle après sa mort : « la personne de Jeanne d’Arc est une vivante énigme ». Une grande liberté pour traiter le sujet.

- d’hérétique elle devient sainte : le personnage peut être récupéré par tous les camps.

- trois accessoires suffisent à sa représentation : une armure, un cheval, une épée.

- le thème peut générer de belles images, avec en point d’orgue : le bûcher.

Alors on ne s’est pas privé !

En fait elle n’entre dans la légende française qu’au 19^ème siècle (même si Voltaire avait revisité Jeanne d’Arc dans un texte sulfureux en 1752), elle représente l’image de la femme guerrière. Elle se retrouve dans un nombre incalculables de « produits dérivés » allant du domaine culturel (19^ème) à la culture populaire et même dans les jeux vidéo.

Le cinéma participe à cette légende dès son début, mais comme toujours, la représentation du passé (ou du futur) au cinéma ou dans la littérature ne pose que les questions du présent. C’est une histoire imaginaire qui est reconstruite, une histoire qui ne peut être saisie que par l’imagination en référence aux problèmes du moment.

De 1895 à 2020, Jeanne d’Arc a fait l’objet de 80 films avec une production régulière dès le début du cinéma jusqu’à aujourd’hui.

Elle est utilisée à des fins politiques aussi bien par Cecil B. De Mille en 1916 pour inciter les Américains à s’engager dans la guerre (avec une Jeanne d’Arc érotisée : rare depuis sa béatification en 1909) mais aussi dans un film de propagande nazi en 1935 pour enfoncer un coin dans l’alliance franco-anglaise. Aux USA, Victor Flemming en 1949 reprend Jeanne d’Arc avec Ingrid Bergman mais en gommant toute fissure entre la France et la Grande Bretagne pour afficher une unité des alliés en pleine guerre froide. La politique de l’époque est toujours présente.

L’image de la féminité que renvoient les films sur Jeanne d’Arc est très variable. Il est à signaler que les interprètes du rôle sont en général beaucoup plus âgées que l’héroïne de 17ans (Jean Seberg est l’un des rares contre-exemples) ce qui fausse souvent l’image renvoyée par l’actrice.

Elle a été une icône pour les adeptes du travestissement.

Pour le public, le contraste entre l’image de Jeanne d’Arc (surtout depuis sa béatification) et la vie de ses interprètes (parfois loin de la sainteté) a été source de conflit. Ingrid Bergman et surtout Renée Falconneti en ont beaucoup souffert.

Aujourd’hui l’image de Jeanne d’Arc se maintient, parfois un peu décoiffante, dans le street-art, dans les séries ou les jeux vidéo. L’image est maintenant beaucoup plus sexualisée (avec la chevelure et malgré l’armure). Mais l’utilisation de Jeanne d’Arc dans les séries ou dans les jeux vidéo se heurte à une difficulté majeure : on sait que l’histoire se termine mal !

Après cette conférence on se retrouve donc tous au réfectoire des moines avec Trobar project : Eugénie de Mey au chant, Pierre Hamon aux flutes et Julien Lahaye aux percussions, pour une évocation de l’exil.

- chants de femmes du Moyen Age pour celles qui restent (pendant que les hommes sont partis en croisade),

- chants ibériques et séfarades du 16^ème siècle pour celles qui partent,

- évocation lancinante pour celles qui ne sont jamais arrivées…

Une voix puissante et magnifique, des musiques envoutantes qui se développent dans une atmosphère prenante sublimée par ce lieu cistercien et sa formidable acoustique.

Magnifique interprétation du Trobar Project.