L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Dans le cadre des Miliaires et en collaboration avec les Amis du vieux La Châtre, Christian Démocrate nous a présenté, le 10 aout dans la chapelle des Capuçins, une conférence sur l’accueil des enfants abandonnés à La Châtre de1790 à 1960.

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

L’implication de l’EEat dans l’accueil des enfants abandonnés remonte à 1536 avec la fondation de l’hospice des « enfants rouges » par Marguerite de Valois afin de recevoir les orphelins (ces enfants sont vêtus d’un drap rouge, couleur de la charité, pour susciter des dons).

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

Parallèlement l’Etat lutte contre les infanticides : l’infanticide est condamné à mort ; en 1748 à Déols une femme subit la pendaison puis est étranglée à une poterne et exposée à la foule. La déclaration de grossesse est obligatoire pour les femmes célibataires ou veuves, elles sont suivies par des matrones (sages-femmes). La formation des matrones s’améliore avec Mme Du Coudray qui forme 4 sages femmes à La Châtre.

Si cette lutte contre les infanticides a été efficace le nombre d’enfants abandonnés a explosé entre 1750 et 1900 : on les retrouve partout dans la nature, d’où leur nom de « champi » en berrichon.

Un tour d’abandon est installé à l’hospice en 1797, on peut y déposer anonymement un bébé naissant ; mais auparavant un tourniquet privé existe en 1793 chez Marguerite Trompat, matrone rue de l’abbaye à La Châtre.

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

La nourriture, l’entretient des enfants, le paiement des nourrices est pris en charge par l’Etat. Une facture signé par Charles X comte d’Artois (le territoire faisait parti de son apanage) indique un montant de 5192£ pour le 2ème semestre 1791.

En 1811, Napoléon institue l’accueil obligatoire des enfants trouvés en les mettant à la charge, et sous la dépendance, de l’Etat.

Pour les enfants déposés à l’hospice, la commission administrative de l’établissement est chargée de l’état-civil. C’est elle qui donne un nom à l’enfant. Les bonnes sœurs s’occupant des soins des enfants et de l’intendance ;  le nom des enfants est dans 90% des cas composé de deux noms de saints du nouveau testament.

Pour les 10% restant les origines sont variées, elles peuvent faire référence à la météo (Verglas), aux fêtes religieuses (Toussaint, Carême …), à une caractéristique de l’enfant (Tranquille, Pucée…), au lieu (Gournay, Champillet, Néret …), d’autres noms sont plus littéraires, ils font référence à l’ancien testament (Zacharie, Melchisédech,  Abraham…), à la culture gréco-latine (Cupidon, Héraclite…) ou à la politique (République, Démocrate, Napoléon, Velington…).

L’explication de ces appellations n’est pas évidente. A La Châtre, les noms liés à la culture gréco-latine sont fréquents, à Issoudun ce sont des noms communs qui sont le plus utilisés (Galantine, Framboise, Vendange, Aviron …).

L’hospice de La Châtre ferme en 1829, il est considéré comme trop cher mais les coûts sont en fait liés au nombre important d’enfants accueillis : pour une population de 3600 habitants, La Châtre accueille 390 enfants en 1829, contre 304 à Châteauroux (9500 habitants) et 270 à Issoudun (10 000 habitants). L’origine de cette distorsion n’est pas claire.

Pupilles de la Seine 1900-1974

Au 18ème siècle, les enfants abandonnés de Paris étaient dirigés vers la Normandie ou la Picardie. Des meneurs étaient chargés de trouver les nourrices et de convoyer les enfants. Les décès étaient très importants lors des transports en calèche (40% ?) et pas toujours déclarés, de façon à maintenir la rémunération des nourrices et des meneurs.

A la fin du 18ème le système est repensé avec une plus grande intervention de l’Etat : nomination de préposés, création d’agences sur place. Au 19ème siècle, le nombre d’enfants abandonnés explose : de 21000 en 1856 à 51000 en 1906, l’accueil se déplace vers de nouveaux départements, dont le Berry et l’Auvergne. L’agence de La Châtre inclus les cantons de La Châtre, Neuvy St Sépulchre, Ste Sévère, mais aussi les cantons de Châteaumeillant et Lignières.

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

Au cours du 20ème siècle le nombre d’enfants gérés par l’agence de La Châtre décolle en 1906, passe par un maximum durant la 1ère guerre mondiale puis se stabilise vers 800.

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

Les enfants accueillis relèvent de différentes origines : enfants trouvés sans parents connus- enfants abandonnés à l’assistance publique – orphelins-enfants moralement abandonnés (à la rue)- enfants recueillis ultérieurement ; ces enfants restent à la charge de l’assistance publique de la Seine jusqu’à leur majorité à 21 ans.

L’agence de La Châtre a eu deux adresses emblématiques : 2 rue Gambetta – 195 rue Nationale (hôtel du bœuf) et  elle a eu deux directeurs importants : Louis Deschien (maire de La Châtre) 1906-1939 et André Andrieux 1939-1968.

A leur arrivée de Paris, les enfants reçoivent une visite médicale systématique, le suivi médical est assuré par une équipe médicale 6/8 médecins (100 à 120 enfants par médecin) assistés d’infirmières. Deux médecins ont été particulièrement appréciés : le Dr Guyot à Châteaumeillant (son père était directeur d’agence) et le Dr Beauchêne à La Châtre.

La Châtre devient centre nourricier à partir de 1925, elle reçoit les enfants de 1 jour à 18 mois, ces enfants sont ensuite envoyés dans d’autres villes. Médicalement, ces nourrissons sont particulièrement surveillés.

Les consignes données aux nourrices sont très contradictoires : elles doivent se montrer maternelles et traiter les enfants comme les leurs… mais elles ne doivent pas s’attacher aux enfants !!!

Les enfants vont à l’école au moins jusqu’au certificat d’étude. Les études sont valorisées par l’institution, des récompenses sont prévues en cas de succès : pour l’enfant, pour la famille, pour l’instituteur. Le résultat au certificat d’étude est similaire au reste de la population.

A 14 ans la plupart des enfants entrent dans la vie active. Une louée est organisée chaque année par le directeur d’agence, les familles d’accueil sont prioritaires (ce qui peut conduire à des abus) : travaux agricoles pour les garçons, taches ménagères pour les filles.

Certains entrent en apprentissage : couture, coiffeuse pour les filles, peintre, menuisier, mécanicien pour les garçons. La demande n’est pas toujours là.

A partir de 1970, le nombre d’enfants abandonnés tombe enfin. En 2014, il ne restait plus que 2435 pupilles de l’état pour toute la France, mais il a fallu 300 ans pour maitriser l’organisation sociale et la mortalité infantile !

Même s’ils ont généralement été bien accueillis dans nos familles berrichonnes, ces « enfants de l’Assistance »ont subi des traumatismes importants  avec la grande question récurrente : « Pourquoi ne m’aime-t-on pas ? Pourquoi n’ai-je pas reçu l’amour qu’on attend tous de notre mère ? »

L’accueil des enfants abandonnés en Berry : 1790-1960

C’est avec beaucoup d’émotion que se termine cette conférence sur la chanson de Jacques Brel : Quand on n’a que l’amour …

Le texte de cette conférence sera publié en fin d’année, dans le prochain numéro des Amis de La Châtre.

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