La basilique de Neuvy Saint Sépulchre
Dans le cadre d’une réunion à Châteaumeillant, du Réseau des Grands Itinéraires Pédestres, Itinérance en France de la Fédération Française de Randonnée (voir : Sur les pas des Maitres Sonneurs entre Berry et Bourbonnais) , les animateurs de notre sentier « Sur les Pas des Maitres Sonneurs » ont fait découvrir notre région aux représentants des autres Grands Itinéraires Pédestres (chemins de St Jacques, chemins du Mont St Michel, Grande Traversée des Pyrénées …).
Ce 4 octobre, tous étaient reçus à Neuvy St Sépulchre par Gérard Guillaume ancien président des Amis de la basilique, érudit et grand spécialiste de cet édifice, pour une visite en détail du monument.
La basilique de Neuvy comporte deux parties distinctes : une nef et une rotonde. C’est évidemment la rotonde qui est la plus spectaculaire. Jusqu’en 1806, elle comportait en son centre une construction massive qui représentait le saint sépulcre.
Historique
Neuvy (le nouveau bourg) date de la fin de l’époque gallo-romaine. Il se situe à un gué sur la voie romaine menant de l’actuel Châteaumeillant à Argentomagnus.
Lors du premier millénaire la localisation de l’habitat alternait entre les rives de la Bouzanne lors des périodes pacifiques et les collines du Bois Gros, ou des Terres Rouges lors des périodes agitées.
La féodalité apporte une certaine stabilité et le bourg neuf (Neuvy) se fixe au bord de la Bouzanne.
A l’an 1000, le bourg comporte deux églises : l’église St Etienne à l’emplacement actuel du restaurant Le Duché (qui conserve quelques plaques funéraires) et l’église St Pierre à l’emplacement actuel de la mairie. Ces églises romanes sont dédiées aux saints ; au gothique elles seront dédiées au Christ ou la Vierge Marie.
A la suite d’un pèlerinage de chevaliers berrichons à Jérusalem, Eudes de Déols fait construire une 3ème église, non paroissiale, sur le modèle du saint sépulcre de Jérusalem. Au cours du 11ème siècle. Neuvy devient Neuvy saint Sépulchre (l’orthographe non conventionnelle de sépulcre proviendrait d’un jeu de mots entre « sépulcre » et « pulcher » (beau en latin). Au 16ème siècle, cette église est placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur. Elle devient un point d’accueil majeur pour les pèlerins sur le chemin de Compostelle par la route de Vézelay.
Au 13ème siècle, le cardinal Eudes de Châteauroux donne des reliques exceptionnelles : des gouttes du sang du Christ ainsi qu’un fragment du tombeau du Christ. Le prestige de Neuvy st Sépulchre explose. Les pèlerins affluent ; un important chapitre de chanoines s’installe (12 à 15 chanoines). Cet Eudes de Châteauroux eut un destin exceptionnel : de basse extraction, originaire de Châteauroux, il devient chanoine. Ses qualités le firent grimper tous les échelons jusqu’à devenir prieur des chanoines de ND de Paris et légat du Pape.
La guerre de 100 ans marque le déclin de Neuvy St Sépulchre. En 1360, le Prince Noir dévaste Argenton. Les habitants de Neuvy se réfugient dans l’église avec tous leurs biens et leurs réserves. Les voûtes de l’église ainsi que le pignon s’effondrent.
En 1523, les 6000 diables, une bande de mercenaires sans aveu ravage la cité. Ils brisèrent les orgues et brulèrent les archives, trucidant quelques religieux au passage.
Mais en 1623, un grand miracle se produit : lors d’inondations catastrophiques, on sort les reliques et l’inondation reflue devant les reliques. A cette époque est créé la « Confrérie du Précieux Sang et du St Sacrement » manifestant l’attachement des habitants à cette dévotion.
L’église du Saint Sépulchre devient église paroissiale à la Révolution alors que les églises St Etienne et saint Jacques sont vendues comme biens nationaux. Cette église est classée « monument historique » en 1847, elle fera l’objet d’une importante restauration sous la direction de Viollet-le-Duc à partir de 1849.
Un plafonnement avait été réalisé au niveau du 1er étage pour consolider l’édifice. Les fenêtres ne recevant plus le jour, Viollet-le-Duc créé un dôme en métal à base de plomb ; mais à la longue, en 1920, ce dôme provoque un écartement des murs, il est remplacé en 1936 par un toit en chapeau chinois. Avec ce toit, les baies du lanternon ne voient plus la lumière.
Suite à un concours lancé en 1998, remporté par Jean Mauret, maitre verrier local de Saint-Hilaire- en- Lignères, « les baies sont fermées par une vitrerie transparente qui devient sombre en raison du manque de lumière. Les verrières sont ponctuées de points blancs (verres opalescents) réagissant à la lumière intérieure. La matérialisation de la baie redonne corps à l’architecture. »
Cette église sera élevée au titre de « basilique » en 1910. Puis 1998 est une grande date pour la basilique : elle est inscrite à l’Unesco au titre des chemins de St Jacques.
Architecture et sculpture
Au 11ème siècle les constructions se font sans architecte. Le plan résulte des connaissances des maçons et des demandes du bénéficiaire religieux.
La rotonde résulte de l’assemblage d’une coupole (bien connue à l’époque) et d’une nef dont les travées sont trapézoïdales au lieu d’être rectangulaires ce qui permet de lui donner sa forme ronde. Les masses sont également réparties sur les piliers du rez-de-chaussée par une voûte ingénieusement conçue. Le style de l’édifice est clairement roman avec son éclairage limité venant du soleil levant.
La construction peut être lue comme un condensé de symbolique : la coupole, inspirée des mausolées antiques est ronde, forme parfaite représentant le ciel. Elle repose sur un octogone qui s’approche du parfait, le chiffre 8 renvoie au 8ème jour, le retour du Christ. La coupole repose sur 11 colonnes comme les apôtres restés fidèle (sans Judas). A l’étage la rangée comporte quatorze colonnes : les apôtres, la Vierge Marie et le Christ…
Les chapiteaux sont finement décorés, ils représentent, symboliquement le combat du bien contre le mal. Le sculpteur a su nous donner l’impression de mouvement. La décoration incorpore souvent la collerette berrichonne entre sculpture et colonne : astragale recouverte de feuillage.
On retrouve tout le bestiaire médiéval.
Le chat représente le mal : il s’insinue dans les maisons sans y être invité. Le lion représente la force au service du bien.
Le singe, grotesque, supporte le monde, la bouche ouverte représente la gourmandise et le bas du corps la luxure.
Le monstre qui dévore les feuilles de lis à l’envers. Le Centaure tire de flèches, mais contre lui-même Le Basilic (dragon) dont le regard pétrifie mais qui craint le feu.
Délaissant la rotonde, nous nous dirigeons vers la nef.
On remarque que les axes de la nef et de la rotonde ne se superposent pas exactement. Peut être que nef et rotonde n’ont pas été initialement conçues pour être raccordés.
Si le style de la rotonde est clairement roman, celui de la nef est majoritairement gothique mais il subsiste des éléments romans (voûtes des bas-côtés) indiquant une reconstruction, sans doute après l’effondrement de 1360. Le chœur à chevet plat date de cette reconstruction.
Quelques fragments de fresques montrent que l’édifice était peint. La peinture a été recouverte au 16ème siècle pour s’adapter à l’évolution de la liturgie. Alors qu’au 12ème siècle nef et chœur étaient séparés, à partir du concile de Trente, le chœur devient visible par les fidèles et leur regard doit être dirigé vers le prêtre (élévation, présentation du saint sacrement…). Les décors peints, pouvant les distraire, sont supprimés.
La restauration de Viollet-le-Duc a eu pour but de gommer les différences de style en masquant les éléments romans de cette nef.
Statuaire
L’église possède de nombreuses statues de saints dont seule une petite partie est présentée. Nous noterons celle de saint Nicodème, statue en bois du 16ème siècle ainsi que la statue du cardinal Eudes de Châteauroux d’après un portrait imaginaire du 17ème
Mais le plus spectaculaire est le reliquaire, de réalisation contemporaine, qui contient les gouttes du sang du Christ.
A la Révolution, un fidèle a substituée cette ampoule par une autre contenant des morceaux de poires cuites afin de mettre l’originale en sécurité. Bien lui en pris, l’ampoule du reliquaire a été détruite !
La basilique de Neuvy saint Sépulchre est donc un édifice remarquable, incontournable en Berry. Un grand merci à Gérard Guillaume pour avoir partagé ave nous une partie de son érudition.