Variétés végétales et races animales traditionnelles en Berry

A l’invitation de l’association Châteaumeillant Nature, Mic Baudimant a présenté sa conférence sur  les espèces végétales et races animales traditionnelles du Berry le 30 mars au pôle culturel de Châteaumeillant. Soixante-dix personnes étaient présentes. 

Mic Baudimant est le grand connaisseur de la culture rurale du Bas-Berry : ancien président emblématique des Thiaulins de Lignières, li est également membre fondateur de l ’Union pour les Ressources Génétiques du Centre-Val de Loire (URGC).

Dès le 18^ème siècle, avec l’objectif de mieux nourrir la population et sous l’impulsion de physiocrates, de nombreuses races et variétés locales ont été créées par sélection et croisements pour s’adapter aux différents territoires, aux spécificités et climats locaux. En Berry, le duc de Béthune-Charost et Heurtault de Lamerville ont été particulièrement actifs en ce domaine.

Cette amélioration des variétés locales s’est poursuivie au 19^ème siècle s’appuyant sur le développement de la génétique. A cette époque, le maraichage se développe en France, à l’image de l’Angleterre, et met en œuvre les nouvelles variétés produites.

Mais, dans la deuxième partie du 20^ème siècle, avec le développement du système agricole intensif, de l’agro-industrie et sous la pression de la grande distribution, la production se standardise et se concentre sur un petit nombre de variétés et de races très productives. Il en est résulté un effondrement de la biodiversité domestique.

L’objectif de l’URGC est de sauvegarder ces races et variétés locales qui constituent une part de l’identité de nos territoires et qui, de plus, peuvent être un atout pour répondre aux différentes crises sanitaires et climatiques qui nous attendent.

Ainsi, une centaine de variétés traditionnelles de légumes ont été répertoriées : la tomate charbonnière du Berry, le chou-navet d’Aubigny, le haricot barangeonnier … une mention spéciale pour la courge « Sucrine du Berry » de haute qualité gustative mais dont la préservation est difficile tant l’hybridation est facile.

Pour les fruits, la région de St Martin d’Auxigny est pionnière avec sa culture commerciale de pommes dès le 18^ème siècle (mentionnée sur les cartes de Cassini). Les producteurs allaient commercialiser leurs fruits jusqu’à Sancerre et, en cas de crise, ils allaient s’approvisionner en Normandie pour conserver leurs clients. Cette production a donné lieu à des outils spécifiques : l’échelle à 32 rolons pour les arbres de plein vent, le panier bouteron dont le fond couvert d’un tissu protège les fruits des chocs.  

De nombreuses anciennes variétés de poires ont été identifiées dont la poire curé (découverte au 19^e siècle par le Curé Leroi de Villiers dans l’indre) ; beaucoup nécessitent d’être cuites avant consommation. Ainsi les poires tapées acquièrent une très bonne conservation ; elles étaient vendues aux marins pour se prémunir du scorbut. Les poires peurmins étaient souvent utilisées pour faire du poiré, un grain d’avoine favorisait la fermentation et permettait d’obtenir un mousseux !

Le Berry avait ses régions viticoles avec un cépage phare : le genouillet. Ce cépage avait quasi disparu avec le phylloxéra. A partir de quelques pieds retrouvés il est en cours de réintroduction après greffage sur des porteurs américains. Ce cépage pourrait avoir son intérêt en ces périodes de changement climatique.

Toute la frange sud du Berry était un pays de châtaignes avec de nombreuses variétés. Les tentatives de réimplantation sont cependant difficiles à cause des variations climatiques, des parasites et des maladies qui malmènent les nouvelles plantations.

Le Berry possède cinq races animales.

En premier lieu le mouton du Berry « le Grand Marcheur » que l’on trouvait essentiellement en Champagne berrichonne. Il est élevé pour sa laine qui a fait la renommée de la foire de Bourges jusqu’au grand incendie de Bourges en 1487. L’autre intérêt de cet élevage est la fumure qu’il apporte à la terre : la Champagne berrichonne était considérée comme une terre pauvre avant l’apparition des labours profonds et des engrais qui l’ont transformé en plaine céréalière. Le Grand Marcheur n’est pas utilisé pour sa viande.

La laine de ce « Grand Marcheur » a été améliorée au 18^ème siècle par croisement avec le mérinos espagnol. Les croisements avec les races anglaises (Kent, South-Down) ont permis une amélioration de la conformation pour la viande (Berrichon du Cher, Charmoise).

La poule noire du Berry  est une bonne pondeuse, de taille moyenne elle est de très bonne qualité gustative (à condition de bien savoir la préparer). Par contre sa croissance plus lente l’avait rendue peu compétitive. Elle a été réintroduite mais actuellement la population stagne.

Le cheval, le « Trait berrichon » est omniprésent en Berry au 19^ème siècle. Des courses de chevaux (rodéos) sont organisées vers Culan, Mesples… malgré l’interdiction royale ! De grandes foires aux chevaux se tiennent (Culan,  La Berthenoux…). Un stud-book est tenu entre 1923 et 1966, mais ensuite le Trait berrichon est phagocyté par le Percheron.

La chèvre à cou clair résulte du croisement de la chèvre berrichonne traditionnelle avec la chèvre mantelée de Savoie. Cette race était en voie de disparition, écartée au profit de races plus productives. Avec les tentatives de réintroduction les effectifs remontent doucement mais la race reste menacée.

L’âne Grand Noir du Berry est la deuxième race asine reconnue par les Haras Nationaux. La population asine se développe en Berry au 19^ème siècle quand de nombreux ouvriers recherchent leur indépendance en exploitant un lopin de terre. Le Grand Noir du Berry est un âne puissant susceptible de tirer, proportionnellement à son poids, une charge plus lourde que le cheval. Son aire de diffusion est centrée dans le Boischaut sud, autour de Lignières. Les effectifs restent très réduits et le développement se heurte à la recherche d’éleveurs. La race reste menacée.

Cette conférence très documentée et présentée avec sa verve habituelle par un spécialiste, Mic Baudimant, a été très appréciée du public. Les  échanges avec l’auteur ont pu ensuite se poursuivre autour d’un verre.

Merci Mic !