Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
La Compagnie Avaricum était à Châteaumeillant ce 10 octobre dans le cadre des vendredis culturels pour nous interpréter une pièce de Mohamed Kacimi « Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz ».
Le décor est simple : une bibliothèque rudimentaire ; une bibliothèque comme point de rencontre, une bibliothèque comme lieu intime où on confie ses rêves, ses fantasmes, ses petites histoires… mais aussi une bibliothèque comme lieu d’observation d’une société. Et cette société là est particulière : nous sommes dans la bibliothèque d’une prison pour femmes.
Elles sont quatre femmes autour de la bibliothécaire, elles se retrouvent ici à vivre une nouvelle histoire commune. Elles sont issues de milieux sociaux différents et elles ont gardé toute leur verve et leur personnalité d’avant. La conversation roule, des petits riens, des coups de gueule, des petites choses : la vie de tous les jours. Elles sont si drôles et si vivantes nos prisonnières qu’on oublierait qu’elles sont recluses ! Mais, comme dans toute société, celle-ci a ses codes et ici ils sont particulièrement forts : il y a des questions qu’on ne pose pas, des mots qu’on ne dit pas, des bruits qu’on n’entend pas.
En cette veille de Noël, l’humeur est particulièrement joyeuse : on rêve du fabuleux repas de Noël, des cadeaux qu’on va envoyer aux enfants… Et voilà qu’une nouvelle arrivante entre à la bibliothèque, une qui ne connait pas les codes. Il faut lui apprendre qu’ici on rêve pour oublier le réel, qu’on joue pour ne pas mourir.
Notre nouvelle arrivante se désole de sa séparation d’avec sa fille et vient chercher le livre que celle-ci adorait : « On ne badine pas avec l’amour » de Musset, alors on va lui jouer la pièce. Mais nos commères ne vont pas reprendre le texte littéral de Musset, il faut remettre au goût du jour le discours désuet du 19ème siècle, utiliser les mots d’aujourd’hui, penser les réactions des personnages dans le monde d’aujourd’hui. Tout cela est débridé et particulièrement joyeux.
Cette pièce de Mohamed Kacimi a été écrite à la suite de plusieurs ateliers d’écriture qu’il a animés à la maison d’arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis au cours desquels il a été frappé par la réaction différentes à l’enfermement pour les hommes et les femmes ; ces dernières cherchant à échapper à leur condition par une fuite dans le rêve, le délire, la folie plutôt que dans la violence.
Ici cette pièce est jouée admirablement, on est constamment dans le mode rire, les réactions du public le montre bien, mais l’arrière-fond d’angoisse refoulée reste bien présent.
Le public a largement apprécié !