Rencontre avec Sébastien Tourny, facteur de vielles à La Châtre

Sébastien Tourny nous a reçus chez lui le 18 juin dans le cadre de « Secret de fabrique », visites organisées par l’office de tourisme du Pays de George Sand. Sébastien Tourny est luthier, fabricant de vielles, ils sont une quinzaine en France à faire ce métier et il n’est pas le moindre !

La vielle à roue

Probablement créée au 12^ème siècle en Allemagne, la vielle à roue est associée à la Renaissance aux musiciens ambulants. C’est l’instrument des miséreux, mendiants, souvent aveugles. La vielle à roue est adoptée vers 1700 par l’aristocratie et notamment par les femmes à partir de 1728 (il faudra cependant attendre les années 1950 et plus encore l’après 1968, pour que la féminisation soit significative).

On construit alors dans des ateliers urbains des instruments à caisse en forme de luth ou de guitare, ornés de tête sculptée  et de bordures en marqueterie d’ébène et d’ivoire, voire de nacre. A partir du 18^ème siècle, Jenzat (03) devient le centre de la fabrication des vielles en France.

Après la Révolution, la vielle à roue devient un instrument populaire, puis un instrument folklorique, symbole de musique traditionnelle. Mais aujourd’hui, elle est bien plus que cela !

Pendant ce temps, le savoir –faire des luthiers s’est transmis au fil des générations.

- Sébastien TOURNY

Tout d’abord musicien, Sébastien a été formé à la vielle à roue au Conservatoire de Châteauroux par Jacky AUCOUTURIER. En parallèle, également passionné par le travail du bois, il suit des études d’ébénisterie dans les écoles présentes à l’époque à la Châtre. Embauché dans l’atelier KERBEUF à la Châtre, il y restera  15 ans avant de créer sa propre entreprise en 2013.

- La visite

La visite commence par son parc de machines. La formation de Sébastien TOURNY est  donc le travail du bois, sous beaucoup de ses formes, et on retrouve chez lui les principaux outils et machines d’ébénisterie ainsi qu’une machine à commande numérique de précision.

Mais la lutherie nécessite le travail d’un bois obtenu dans des conditions particulières : bois avec un fil serré (provenant d’un arbre qui a poussé lentement en altitude) parfaitement découpé suivant le fil. Le choix du bois résulte de ses qualités mécaniques mais aussi acoustiques. Le fond de caisse peut être en noyer ou en érable, ce qui change totalement la sonorité de l’instrument !

Pour un même bois, l’épaisseur nécessaire sera différente selon l’arbre dont il est issu. Sébastien Tourny la détermine à l’oreille, selon la façon dont la planche sonne !  A l’image du musicien qui doit être à l’écoute de son instrument, le luthier doit être à l’écoute de son bois.

La vielle est un instrument très complexe avec ses bourdons qui, en frottant sur la roue donne le son continu, avec la table d’harmonie et ses touches (sautereaux) qui agissent comme le doigt du violoniste sur les cordes, et puis il y a les cordes sympathiques qui ne vibrent qu’à l’unisson des autres cordes, et puis il y a le « chien » que le vielleux actionne avec son « coup de poignet » … Cet instrument si complet offre donc une gamme de possibilités immenses. C’est aussi l’instrument de musique qui a le plus évolué et qui continue d’évoluer aujourd’hui.

La fabrication d’une vielle à roue est un travail d’assemblage, de découpe, de collage qui est uniquement artisanal – un instrument peut contenir jusqu’à 80 pièces.

Une des dernières innovations dues à Sébastien concerne les barres d’harmonies. Ces barres, collées sous la table d’harmonie, ont un effet important sur la sonorité ; elles servent à répartir les ondes sonores dans l’ensemble de la table. Grâce à un choix judicieux de leur forme, leur nombre,  composition, collage… il parvient à améliorer la sonorité de l’instrument et à l’adapter aux souhaits du musicien.

Tous ces ajustements et réglages se font en fonction des souhaits et de la  personnalité du musicien. Les vielles réalisées par Sébastien Tourny sont donc toutes faites sur mesure et leur réalisation résulte d’aller-retour permanent entre luthier et musicien.

Aujourd’hui l’innovation est partout, on trouve même des vielles dont la roue n’est plus actionnée à la main mais au pied ; ce qui laisse les deux mains pour s’occuper des cordes !

L’aspect esthétique est aussi un critère important, notamment pour la table en épicéa ou en érable ondé par exemple.

Les têtes qui décorent l’instrument ne sont pas de son ressort. Pour cela, Il fait appel à deux sculptrices, dont Claire SALIN, ébéniste à VESDUN, capable de sculpter des têtes sur mesure (la vôtre par exemple) avec une grande fidélité.

Vielle d’étude, vielles soprano, alto et ténor, modernes ou façon 18^e, version acoustique ou électro acoustique, voire les deux, Il réalise une quinzaine de vielles par an et les plus grands musiciens, français et étrangers  utilisent ses instruments. En ce moment il travaille notamment avec Grégory Jolivet.  Il a également beaucoup travaillé avec Gilles Chabenat et les vielles qu’il réalise pour ces deux musiciens sont très différentes : Grégory Jolivet souhaite un son baroque voire même éthéré, Gilles Chabenat un son plus moderne.

La visite se terminera par une démonstration de musique  sur sa dernière création prête à être livrée à sa commanditaire.

Outre son activité de luthiers, Sébastien TOURNY reste bien évidemment  vielleux au sein de divers groupes. Il sera présent à la fête de la musique et  présentera son activité de luthiers aux « Rencontres  - le son continu » au Château d’Ars du 14 au 17 juillet 2022. 

Sébastien Tourny est une personne passionnante !