Chet Nuneta à St Priest la Marche

C'est à une soirée entièrement consacrée à la voix que « Ballade en Boichaut », le programme culturel de la Communauté de Communes Berry Grand Sud, nous conviait samedi 14 mars. Pour l'occasion, la vaste et belle salle des fêtes de Saint-Priest-la-Marche a failli être trop petite tant les spectateurs étaient nombreux. Plus de 180 personnes assistaient à cette soirée … peut-être a-t-on atteint le chiffre de deux cents.

Au programme, deux ensembles, par leur travail vocal, avaient décidé de nous faire voyager :

En première partie, le chœur « Itinérarire bis » d'Argenton-sur-Creuse …

...formé d'une quinzaine d'amateurs passionnés, nous a emmenés des forêts et des lacs finlandais aux rivages de Géorgie en passant par la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie, avec de petits détours en Nivernais (« La mal mariée vengée », dans un arrangement vocal riche et vivant), au Canada (« En filant ma quenouille » ) …

… et aux Etats-Unis pour « Churchyard », une œuvre de Meredith Monk, compositrice, chorégraphe et réalisatrice new-yorkaise atypique, connue pour ses grandes capacités vocales et son utilisation de techniques de jeux étendues pour la voix (chuchotements, cris, grognements, sanglots, chant diphonique …). Elle a notamment influencé,dans l'univers de la pop', l'Islandaise Björk et notre Camille.

Ce chœur est dirigé magistralement par Catherine Gaiffe, professeur de chant choral au conservatoire de Châteauroux.

D'habitude les chorales de nos contrées sont en rangs bien alignés et ne bougent pas, concentrées qu'elles sont sur leurs partitions et leur chef ; ici, pas de partitions, tout est chanté par cœur même dans les langues les plus difficiles… et on bouge, on rythme ; chaque chant est vécu de manière vivante … et nous enchante. Ce souffle nous emporte loin vers des contrées mal connues du grand Nord, du Sud, d'ici et d'ailleurs !

Un grand merci à « Itinéraire bis » … et un immense bravo pour sa prestation enchanteresse

Après les amateurs, place aux professionnels et au quintet vocal Chet Nuneta

On ne peut que s'étonner de la parenté artistique qui existe entre ces deux formations …

Et chapeau bas ! Messieurs les programmateurs qui avez réuni ces deux formations au cours d'un même concert, qui du coup a présenté une unité parfaite !

Chet Nuneta chante, joue de mille manières avec la voix, danse, rythme son chant et nous fait voyager aux confins de notre terre … leur spectacle a pour nom « Pangea » ; c'est le nom que portait, il y a 250 000 000 d'années, les terres émergées alors rassemblées en un seul continent : tout un programme !

Né en 2000 d'un trio a cappella, le quintet Chet Nuneta a intégré les percussions un peu plus tard

Elles sont venues s'inviter tout naturellement dans la danse … qui fait aussi partie du spectacle. Les participants ne sont plus les mêmes qu'il y a quinze ans mais l'esprit est resté : « s'inspirant des chants traditionnels du monde, explorant la voix, des techniques vocales et des timbres variés », « le groupe arrange ou compose dans diverses langues, des morceaux qui allient subtilement chant, danse et percussions »

Lilia RUOCCO est napolitaine, danseuse, comédienne, passionnée par l'exploration de la voix ; dans le cadre de ses études de psychologie à l'Université de Rome, son mémoire de D.E.A. portait sur les chants traditionnels haïtiens. Elle rencontre Chet Nuneta en 2009

Beatriz SALMERON-MARTIN est andalouse et vit en France depuis une dizaine d'années

Attirée par le flamenco, le fado … elle est titulaire d'un D.E.A. de culture flamenca de l'Université de Séville. C'est une mélodiste sensible ; elle est l'auteure de nombreux textes en espagnol et elle improvise facilement de longues mélopées dans sa langue, métissant ainsi nombre de chants venus de toutes les parties du monde.

Anne ROY a un parcours éclectique avec des possibilités vocales étonnantes ; « c'est une chanteuse tous terrain que l'on qualifie souvent de caméléon » tant elle peut se glisser dans des univers musicaux différents ; elle est en grande partie autodidacte.

Fouad ACHKIR (à droite sur la photo) est percussionniste et chanteur d'origine berbère ; formé aux percussions africaines et latines au C.I.A.M. de Bordeaux, il a acquis une grande expérience et une grande maîtrise de maints instruments rythmiques dans de nombreux groupes musicaux. Sa voix, assez haut placée, comme c'est la tradition chez les chanteurs berbères, complète harmonieusement celles du trio féminin

Michaël FERNANDEZ (à gauche) a « vécu dans de nombreux pays ; polyglotte et globe-trotter, il a pour seul maître son oreille et son imagination ». C'est lui qui assurera, d'un bout à l'autre, l'essentiel des percussions aidé par Fouad et Beatriz.

Les autres membres du groupe ne seront pas en reste, transportant avec eux, tout en chantant et en dansant, différents instruments portatifs de percussion modernes ou traditionnels.

En cinq tableaux regroupant deux ou trois chants, nous serons tour à tour conduits en Méditerranée, pour un croisement entre une polyphonie bulgare des Rhodopes, ce massif montagneux de Thrace d'où descendent la Maritza et la Strouma avec un « marinete » espagnol : chant solitaire pleurant un amour perdu (en espagnol) auquel répondent le vent et la forêt (en bulgare).

Le ton est donné : Nous goûterons des poèmes en m'bochi (une des langues du Congo),

- une tammuriata (traditionnelle de Naples),

- une valse interprétée avec un jeu de bouteilles évoquant les Pygmées

- puis un « Pygmée blues » en jouant de la technique vocale du hoquet pygmée (en fermant les yeux nous étions perdus dans la forêt primaire),

- un chant sépharade du Maroc … que l'on fait évoluer vocalement et rythmiquement pour le transformer et évoquer l'Amazonie (« l'Afrique et l'Amérique s'éloignant irrémédiablement depuis deux cents millions d'années, combien de temps mettront-elles pour se rejoindre de l'autre côté ? …vaste question !)

- Ni yuan bu yuan en mandarin et en français

- Rasta Riyad, arrangement reggae sur un chant d'amour classique arabe

- Kijart ott, chant tsigane jouant sur les onomatopées

- Roseda Vieja Sirena, croisement entre l'Ile Maurice et l'Espagne

- Indiambedagets, rencontre entre un chant arménien et un jeu vocal à la manière des ragas et thiaïs indiens.

Nous étions loin du Berry et dans une fraternité avec tous les Hommes, toutes les cultures : c'est l'esprit qui guide Chet Nuneta lorsqu'il offre son univers au public, concert après concert ...

C'est également dans cet esprit-là, de générosité et de partage, que ces musiciens et artistes hors normes, avaient tenu à réunir des choristes de notre région pour travailler avec eux, quelques heures durant la journée, avant le concert et créer ainsi un atelier éphémère dont nos choristes se souviendront certainement longtemps.

Soirée absolument inoubliable !