Les réfugiés espagnols dans le Berry ; l’œil de la presse : hier pour aujourd’hui

Publié le par nous-en-boischaut-sud

Ce 27 novembre s’est déroulée la première conférence organisée dans le cadre de l’ouverture de la bibliothèque du Centre de la Presse au Châtelet. Elle a été animée par Jean François Petit de l’Institut Catholique de Paris, en collaboration avec Cathy Leblanc.

Les réfugiés espagnols dans le Berry ; l’œil de la presse : hier pour aujourd’hui

Le Berry a été fortement concerné par la vague de réfugiés espagnols qui a suivi la fin de la guerre civile. Des camps ont existé en Berry, notamment Douadic (mais principalement destiné aux juifs) et Montgivray (camps de travailleurs étrangers ouverts en 1941 et destinés principalement aux réfugiés espagnols et aux polonais).

Ces camps de réfugiés ont préparé les camps de la 2ème guerre mondiale et ont servis, dans certains cas de nasse préparant aux transferts vers les camps de concentration nazis. Dans notre situation actuelle, une réflexion sur cette histoire a pour but d’éviter que le phénomène ne se reproduise. Il s’agit également de voir comment la presse de l’époque en a parlé.

A la fin de la guerre civile espagnole, de 1936 à 1939, en moins de deux mois (janvier à mars 1939) 500 000 espagnols fuient leur pays (la moitié de soldats, la moitié de civils). Ils sont accueillis en France dans un cadre humanitaire.  Leur concentration est particulièrement forte dans les Pyrénées, mais rapidement on organise la dispersion  de cette population dans toute la France. Le Cher est un département d’accueil (3000 réfugiés en 1939). Dans un premier temps,  ils sont accueillis avec bienveillance par la population mais rapidement les craintes s’installent. La « Dépêche du Berry » parle alors de « devoir d’humanité et d’obligation de sécurité ».

Les villes de Bourges et Vierzon (politiquement orientée à gauche) organisent l’entraide. La presse adopte un ton compassionnel.

Devant l’afflux des réfugiés, une surveillance sanitaire est réclamée (vaccination, épouillage …), la « Dépêche du Berry » demande un suivi psychologique pour « redresser les mentalités affaiblies ». Les autorités interdisent leur organisation (notamment pour les réfugiés armés) ; les soldats sont désarmés et internés dans des camps de concentration. A Argelès , 100 000 personnes se retrouvent sur la plage avec un équipement sommaire pour affronter un hiver très dur.

Dès 1938, Daladier avait promulgué la loi des étrangers à surveillance spéciale qui instaure les camps de travailleurs étrangers pour les émigrés « indésirables » qu’on ne peut renvoyer dans leur pays. Des triages s’opèrent, prémices d’autres sélections…

Rapidement la fébrilité s’installe. A Bourges 600 réfugiés arrivent alors qu’ils ne sont pas attendus. Issoudun reçoit 500 réfugiés et lorsqu’A. Sarrault (ministre de l’Intérieur) passe à Issoudun, la ville est quadrillée : contenir les réfugiés ou protéger le ministre ?

Cette désorganisation engendre de la lassitude dans la population: « quand prendra fin leur lutte fratricide », de petits incidents sont montés en épingle (Issoudun), les espagnols installés de longue date sont mis en cause pour leur manque de soutien, on demande que les hommes valides soient renvoyés en Espagne…

C’est par leur nombre que les réfugiés posent des problèmes : écoles, colonies de vacances, hôpitaux…sont réquisitionnés mais surchargés (1500 à Noirlac). La disproportion entre le nombre de réfugiés et les possibilités d‘accueil est criante. La France demande le retour en Espagne des hommes valides ce qui est énergiquement refusé par le gouvernement espagnol.

Il faut alors occuper les réfugiés mais sans faire concurrence aux travailleurs français. Les réfugiés accueillis dans ces camps sous administration militaire sont, au départ, interdits de travail. Mais, avec l’entrée en guerre, ils sont invités à participer à l’effort de guerre, puis, après l’armistice, ces camps se transforment en Groupement de Travailleurs Etrangers pour pallier la pénurie de main d’œuvre. Ils iront travailler dans les fermes mais seront également un vivier pour le travail en Allemagne ou l’organisation Todt (mur de l’Atlantique).

Avec l’entrée en vigueur du travail obligatoire (STO), la plupart des réfugiés espagnols valides rejoindront la Résistance dans laquelle ils joueront un rôle crucial (« Ils savaient se battre », ce qui n’état pas le cas de beaucoup de résistants français !).

En dehors de ces organisations officielles, localement,  l’entraide s’organise notamment dans le cadre de la solidarité féminine et d’organisations communautaires; des enfants sont accueillis dans les familles, parfois adoptés (sans trop se soucier de traces psychologiques à long terme). Ici se révèlent ce qu’on appellera des « héros ordinaires » !

Après la guerre,  la grande majorité de ces réfugiés retourne à la vie civile avec la volonté de tourner la page.

Aujourd’hui, alors que les témoins de cette histoire s’effacent, et qu’il ne reste que la trace de la presse de l’époque, cette conférence se veut une base de réflexion face aux mouvements migratoires actuels. Les situations sont partiellement différentes mais des enseignements peuvent être tirés des évènements passés.

Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas différents   de ceux d’hier. Les circonstances de l’époque ont vu l’émergence de « héros ordinaires ». Ces « héros ordinaires » sont toujours potentiellement là et on a vu que l’accueil de familles syriennes en Berry (bien que leur nombre soit sans rapport avec l’afflux de réfugiés espagnols) s’est déroulé dans d’excellentes conditions.

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